Publié le 23/02/2011 à 23:10
Pierre, 63 ans, oublie facilement l'endroit où il a déposé son portefeuille et ses clés et ne se souvient plus de ce qu'il devait acheter une fois arrivé au supermarché. Est-ce une première étape vers la maladie d'Alzheimer? Pas forcément...
Maladie à part entière ou stade précoce de la démence, la déficience cognitive légère (ou MCI comme « mild cognitive impairment ») a fait l'objet de nombreuses controverses. Le point avec le Dr Adrian Ivanoiu, neurologue et chef de service adjoint aux Cliniques Universitaires Saint Luc.
Plusieurs critères doivent être pris en compte dans le diagnostic d'une MCI. La personne âgée (au delà de 50 ans) doit se plaindre d'au moins un trouble cognitif (perte de mémoire, troubles du langage...). Plainte qui doit être confirmée par une personne de son entourage et objectivée par une mesure de sa performance mnésique (un test de mémoire). Second critère: la personne doit encore être suffisamment autonome pour que le diagnostic de démence puisse être écarté. Elle doit encore pouvoir se déplacer seule, aller faire ses courses, cuisiner ou encore payer ses factures sans difficulté.
Dans les années 80, les chercheurs considéraient les MCI comme des étapes normales dans le processus de vieillissement. Au début des années 90, ils se sont cependant rendu compte qu'un grand nombre de personnes souffrant de MCI développait une démence de type Alzheimer ou autre quelques années plus tard. Les MCI ont donc été classées dans la catégorie des pathologies pouvant laisser présager une maladie neurodégénérative.
C'est exact. Il a été démontré que, dans certains cas, l'état du patient peut se stabiliser ou même évoluer positivement. Nous manquons toutefois de recul pour déterminer le pourcentage exact de personnes qui seront épargnées. Pour ma part, je pense que seule une minorité des patients atteints de MCI ne développera pas la maladie d'Alzheimer par la suite. 10 % tout au plus...
Les médicaments donnés au stade débutant de la maladie d'Alzheimer se sont révélés inefficaces pour lutter contre les MCI. Malheureusement, il n'existe encore aucun traitement à l'heure actuelle. Une situation qui pose question... Est-il vraiment indispensable, dans ce cas, d'annoncer aux patients qu'ils souffrent de cette maladie? Il me semble que plusieurs arguments le justifient. Primo: il subsiste toujours une chance pour que le patient ne présente pas de démence ou ne la développe que très tardivement. Secundo: le diagnostic de MCI implique d'être particulièrement attentif aux premiers signes de la maladie d'Alzheimer et permet donc d'agir le plus tôt possible pour tenter de ralentir son évolution. Tertio : le patient averti peut organiser sa vie en conséquence et se prémunir d'éventuels conflits avec ses proches qui, ne comprenant pas son état, pourraient croire "qu’il le fait exprès".
Il n'existe pas de recettes miracles, mais la plupart des études montrent que les personnes qui restent actives et qui continuent à stimuler leur mémoire jusqu'à un âge avancé présentent moins de risques de démence. Une constatation qui ne signifie pas qu'il faut passer toutes ses journées à résoudre des mots-croisés... La meilleure attitude à adopter? Rester curieux et ouvert au monde qui nous entoure et tenter de mener une vie épanouie.
Propos recueillis par Aurélie Bastin
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