Publié le 23/02/2011 à 23:10
La régression des patients Alzheimer apparaît comme l'évolution inversée ou le miroir de la croissance des enfants. Une constatation qui a des conséquences importantes sur la prise en charge des patients Alzheimer.
Professeur de psychiatrie et directeur clinique au Silberstein Aging and Dementia Research Center de la New York University School of Medicine, le Pr. Barry Reisberg mène des recherches sur la maladie d’Alzheimer depuis une trentaine d’années déjà. Avec son équipe, il a décrit en 1982 les sept phases de la maladie dans la Global Deterioration Scale (GDS). Ces dernières ont été affinées en 1992 pour donner les seize phases du Functional Assessment Staging (FAST). Le Pr. Reisberg était récemment invité à la journée d’étude "Dementie" (démence), organisée par l’UPC Sint-Kamillus de Bierbeek et le PZ Broeders Alexianen de Tirlemont.
Dès le début de sa carrière, le Pr Reisberg est parti de l'hypothèse selon laquelle les compétences acquises au début de notre existence sont les dernières à être perdues par les patients atteints de la maladie d'Alzheimer. Dans la toute dernière phase de la maladie, les patients perdent ainsi successivement les compétences suivantes: parler, marcher, s’asseoir, rire et, finalement, bouger la tête. En même temps, ils développent à nouveau des réflexes enfantins. L’évolution de la maladie d’Alzheimer est, en d’autres termes, le miroir de celle d’un enfant.
La maladie d’Alzheimer efface aussi progressivement les capacités cognitives acquises dès l'enfance. Cette thèse a été étayée par de nombreux travaux de recherche. On peut citer à titre d’exemple la corrélation particulièrement forte entre le FAST et le score d’enfants ayant réalisé des tests d’intelligence destinés à des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Des recherches ont également mis en évidence que la perte de myéline (substance graisseuse qui entoure les cellules nerveuses et accélère la transmission des impulsions électriques) du patient Alzheimer est le reflet en miroir de la fabrication de myéline chez l’enfant. Les changements émotionnels chez les patients Alzheimer ressemblent enfin fortement à ceux de l'enfance. L’imagination, par exemple, dépend de la situation ou du stress dans lequel se trouve le patient. C’est la raison pour laquelle elle n’est pas comparable aux hallucinations des patients schizophrènes.
Le Pr. Reisberg a également relevé un certain nombre de différences entre patients Alzheimer et enfants. Un patient Alzheimer est physiquement bien plus grand et plus difficile à prendre en charge. Il souffre de maladies de vieillesse typiques et pas de maladies infantiles. Enfin, il arrive qu’un patient Alzheimer puisse encore prononcer des mots dans la toute dernière phase de la maladie, alors qu’un bébé en est, bien entendu, tout à fait incapable.
Le Pr. Reisberg et ses collègues ont traduit les phases successives de la maladie d’Alzheimer en âges de développement correspondants. Ceux-ci sont indicatifs quant aux soins à donner aux patients. Il faut ainsi, selon eux, accorder aux patients en phase sept la même attention que celle donnée aux enfants jusqu’à 1 an et demi. Sans amour, les patients comme les très jeunes enfants se mettent à pleurer, deviennent passifs et, finalement, dépressifs. Tout comme les enfants, les patients atteints de la maladie d'Alzheimer sont également avides d’apprendre et veulent, par exemple, à nouveau connaître les noms des animaux de leur entourage. L'évolution en miroir de la maladie est donc, selon le Pr. Reisberg, une particularité essentielle à prendre en compte dans la prise en charge de ces patients.
Pieter Segaert
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