Publié le 23/02/2011 à 23:11
Au plan pénal comme au niveau civil, le droit belge ne retient pas la responsabilité des personnes atteintes de démences. Néanmoins, les auteurs ne sont pas nécessairement exonérés de leur devoir de réparation.
Affection dégénérative du système nerveux central, la maladie d'Alzheimer conduit progressivement à la démence. Privé de l'usage de sa raison, le malade est susceptible de commettre, involontairement, des dommages à autrui. Or, l'absence d'une capacité à pleinement contrôler ses actes place le malade dans une situation particulière au regard de la loi. Si son état de démence est reconnu par la justice, sa responsabilité, qu'elle soit civile ou pénale, ne peut être retenue.
En matière civile, «cet état de démence pourra être démontré par l'apport de certificats médicaux, explique Sabine Henry, présidente de la Ligue Alzheimer. En cas de doute, le juge demandera l'avis d'un expert qu'il désignera». Attention cependant: l'absence de responsabilité ne signifie pas que l'auteur d'un dommage échappera à son devoir de réparation. A ce sujet, l'article 1386 bis du code civil est clair: «lorsqu'une personne, se trouvant en état de démence la rendant incapable du contrôle de ses actions, cause un dommage à autrui, le juge peut la condamner à tout ou partie de la réparation à laquelle elle serait astreinte si elle avait le contrôle de ses actes. Le juge statue selon l'équité tenant compte des circonstances et de la situation des parties.»
La fixation d'une réparation sera donc laissée à l'appréciation du juge, qui prendra sa décision au cas par cas. «Mieux vaut donc conserver une assurance de responsabilité civile du patient», estime Sabine Henry. Une précaution qui n'est pas toujours simple à prendre, puisque de nombreuses compagnies d'assurances refusent d'assurer les patients atteints de la maladie d'Alzheimer.
«Même si le juge écarte le devoir de réparation du patient, il peut en théorie réclamer ces réparations à l'entourage du malade», prévient Sabine Henry. Ce sera le cas s'il estime que les proches ont manqué à leur devoir de surveillance». Il est donc recommandé aux proches du patient de souscrire à une assurance de responsabilité familiale, qui permettra de couvrir les dégâts occasionnés.
Néanmoins, cette question de la responsabilité des proches reste floue dans les textes et dans la jurisprudence. En revanche, la responsabilité de l'institution qui prend en charge le patient atteint de la maladie d'Alzheimer est plus explicite, et sera plus facilement retenue par le juge.
En matière pénale, l'irresponsabilité du patient est également la règle. Si le malade a commis un délit d'une certaine gravité, le juge d'instruction désignera un expert psychiatre. Ce dernier devra dire si, au-moment des faits, la personne mise en cause se trouvait dans un état de démence, ou dans un état grave de déséquilibre mental la rendant incapable du contrôle de ses actions. Si tel est le cas, la fixation d'une amende ou le placement en détention ne seront jamais retenus contre lui.
En revanche, si le juge estime que le patient constitue un danger pour autrui ou pour lui-même, il pourra réclamer son placement en institution d'accueil. Si c'est déjà le cas, il pourra exiger un renforcement de sa surveillance.
En matière civile et pénale, la position belge apparaît donc équilibrée: elle reconnaît la spécificité de la maladie et exonère le malade d'une responsabilité entière. En revanche, elle tient compte des dommages supportés par la victime, et n'oublie pas son droit à réparation.
Jonathan Barbier
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