Publié le 23/02/2011 à 23:10
Même s'ils ont perdu une partie de leur mémoire, les patients atteints de la maladie d'Alzheimer conservent leur goût pour l'art. C'est ce que révèle une étude américaine menée à la Bucknell University. Selon le neuropsychiatre gantois Georges Otte, ces résultats confirment des observations précédentes.
Dans le cas de la maladie d’Alzheimer, le fonctionnement du cerveau ne cesse de régresser. Les patients oublient de plus en plus et deviennent confus. Toutefois, contrairement à toute attente, il semble que leur appréciation de l’art reste intacte plus longtemps. Nous devons cette constatation à des scientifiques de Pennsylvanie aux Etats-Unis. Au cours de leur étude, ils ont présenté à seize patients Alzheimer trois ensembles de huit tableaux. Chaque ensemble de reproductions représentait un type d’art différent, allant de l’abstrait au figuratif.
Les chercheurs ont demandé aux patients de classer les reproductions par ordre de préférence. Un groupe de contrôle constitué de dix-sept seniors ne souffrant pas de la maladie d’Alzheimer s’est vu assigner la même tâche. Deux semaines plus tard, ils leur ont à nouveau demandé de classer les reproductions. Tant le groupe de contrôle que celui des patients Alzheimer les ont disposées pratiquement dans le même ordre.
Les scientifiques ont ensuite reproduit l’étude avec vingt autres patients et vingt autres seniors (groupe de contrôle). Alors que les patients Alzheimer semblaient ne pas reconnaître les oeuvres d’art à la seconde présentation, ils les ont à nouveau classées dans le même ordre de préférence, comme lors de la première étude.
Selon le neuropsychiatre gantois Georges Otte, il n’y a pas de quoi s’étonner. "Chez certains patients, nous observons des phases soudaines de créativité artistique, alors qu’ils n’en présentaient pas auparavant. C’est dû au fait que la maladie d’Alzheimer débranche des réseaux neuronaux qui inhibent ou brident le patient. Malheureusement, à cause de la perte des fonctions pratiques, la créativité artistique n’est souvent qu’un phénomène temporaire dans le processus de neurodégénérescence."
Avec cette étude, l'équipe de chercheurs américains démontre que les préférences artistiques restent intactes relativement longtemps chez les patients Alzheimer. Le Dr Georges Otte en explique la raison. "Les atteintes cérébrales de la maladie d’Alzheimer n'évoluent pas de manière arbitraire. Au contraire. Les émotions et la réceptivité aux émotions sont conservées très longtemps, même quand le souvenir a disparu sur le plan du contenu. C’est ainsi que nous observons quotidiennement que la manière de parler à un patient Alzheimer est au moins aussi importante que le contenu du message."
"Un comportement jovial, doux et humain, sans pour autant devenir infantilisant, revêt une importance énorme. L’humour, un large sourire, un petit air de musique, une chanson ou une danse, font partie de l’arsenal quotidien du prestataire de soins. Un langage brusque, une voix dure ou de l’agitation, suffisent souvent à déstabiliser complètement une personne démente ou à déclencher des troubles du comportement. Des soins chaleureux demandent beaucoup de temps et d’argent. Et c’est malheureusement là que le bât blesse", estime le Dr Otte.
"Cette étude confirme une fois encore qu’une partie de la personnalité du patient Alzheimer reste intacte. C’est la raison pour laquelle nous parlons toujours d’un patient ou d’une personne qui souffre de démence. C’est la personne qui est centrale, pas la maladie."
Pieter Segaert
Source: HALPERN, A., LY, J., ELKIN-FRANKSTON, S., O'CONNOR, M.G. (2008). "I Know What I Like": Stability of aesthetic preference in alzheimer's patients. Brain and Cognition, 66(1), 65-72. DOI: 10.1016/j.bandc.2007.05.008.
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