Publié le 08/01/2019 à 09:47
Avec le temps, chez les personnes hémophiles, la douleur chronique ne se manifeste pas uniquement par des saignements ou de l’arthrose. Même si elle peut être très invalidante, il existe un espoir d’amélioration.
Le saignement, souvent localisé dans une articulation, est la cause la plus fréquente de douleur chez les hémophiles. Avec à la clé de lourdes conséquences sur les structures entourant l’articulation, comme le cartilage et la capsule, qui finissent par s’endommager. À terme, une «usure» précoce de l’articulation (arthrose) peut se produire et occasionner une exacerbation de la douleur locale.
Plus les saignements sont réguliers, plus la douleur va empirer ou s’étendre. Et à chaque fois, le système nerveux va envoyer des informations au cerveau. Ce dernier capte ces signaux, et le patient ressent alors une douleur ou une douleur plus intense. À la longue, le système nerveux central peut être activé sans qu’aucun nouveau saignement ou qu’aucune destruction articulaire supplémentaire ne se soient produits. Cette activation sera aussi ressentie comme une douleur. «Nous savons que le système nerveux des personnes qui éprouvent fréquemment des douleurs n’est plus fiable dans la détermination de ces dernières. Des problèmes cérébraux peuvent aussi être une source de douleur», explique le Pr Roussel (sciences de la revalidation, Universiteit Antwerpen).
Tant les prestataires de soins que les personnes hémophiles ont les plus grandes difficultés à faire la distinction entre la douleur due à un saignement et celle causée par l’exacerbation d’un problème articulatoire. En effet, les patients décrivent leur douleur dans des termes identiques. Les autres plaintes aussi - gonflement, mobilité réduite, appui difficile, etc. - se chevauchent. De plus, on ne dispose pas toujours d’une imagerie médicale. Il se peut aussi que la douleur ne soit plus un signal fiable: on ressent une douleur, mais il n’y a pas de nouvelle atteinte. Chez ces patients, l’imagerie médicale des articulations ne va rien montrer, étant donné que le problème se situe au niveau du système nerveux et/ou du cerveau. «Nous ne disposons pas encore de l’instrumentation appropriée pour rechercher de façon précise l’origine de chaque douleur chez chaque patient. En tant que prestataires de soins, nous pouvons toutefois essayer de dresser la carte de tous les facteurs qui peuvent jouer un rôle et tenter ainsi de sortir le patient du cercle vicieux de la douleur chronique et de son corollaire, la mauvaise qualité de vie.»
Les personnes hémophiles peuvent éprouver de terribles douleurs face auxquelles les prestataires de soins sont parfois impuissants. Un antidouleur seul ne peut en effet pas résoudre le problème de la douleur chronique. Les médicaments sont une des composantes du traitement de la douleur mais ils en sont rarement le principal élément. Les autres composantes vont d’un mode de vie actif à la capacité à doser ses efforts dans la vie quotidienne, les perceptions et les émotions autour de la douleur. D’après les guidelines de l’arthrose, les exercices physiques légers avec charge articulaire sont indiqués, même si les patients peuvent avoir peur de charger l’articulation atteinte. Le coaching, les adaptations du mode de vie et les comorbidités, comme la prise en charge de l’obésité, aident également.
Le Pr Roussel insiste également sur le fait que les patients doivent parler des douleurs qu’ils ressentent avec les prestataires de soins. S’il s’agit d’un saignement, il doit être pris en charge de façon prioritaire. S’il s’agit d’une douleur consécutive à un problème articulatoire, il faut référer le patient à un prestataire de soins adéquat, car «le cerveau est un système plastique, c.-à-d. que le système nerveux et le cerveau peuvent s’adapter. De ce fait, un coaching et une revalidation peuvent en partie inverser l’évolution négative, due à une stimulation constante de la douleur. De nouvelles connexions sont établies si bien que les patients peuvent à nouveau mener leur existence avec moins de douleurs. Leur vie est moins déterminée par la douleur et ils peuvent être bien plus actifs qu’avant. Ce sont des perspectives prometteuses. Nous n’en sommes pas encore au point où nous pourrons libérer chaque patient de sa douleur. C’est un processus chronophage. La science n’a pas de réponse toute faite et il faut rechercher pour chaque patient la piste qui l’aidera le mieux.»
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