Publié le 23/02/2011 à 23:05
Sous leurs airs innocents, certaines herbes importées de Chine pour leurs prétendues vertus thérapeutiques peuvent se révéler de véritables poisons. Démasquée par le Professeur Jean-Louis Vanherweghem, l'Aristolochia est responsable chez nous d'environ cent cinquante cas d'insuffisance rénale dont une septantaine en phase terminale.
En 1992, c’est le cas d’une patiente atteinte d’une maladie rénale chronique et définitive qui éveille la curiosité du Pr Vanherweghem, chef du service de néphrologie à l’hôpital Erasme. « Cette patiente présentait une insuffisance rénale dont le développement rapide était inhabituel. D’anciennes prises de sang ne révélaient pourtant aucune trace de maladie. Quand j’ai su qu’elle avait suivi un traitement amaigrissant, je me suis demandé si la maladie ne pouvait pas y être liée ».
Après examen du traitement suspect, le Pr Vanherweghem n’est pas beaucoup plus avancé. Composée notamment de plantes, la cure amaigrissante ne semble pas devoir être incriminée. Deux autres cas d’insuffisance rénale atypique vont cependant très vite raviver ses doutes…
« Un mois plus tard, une deuxième patiente est arrivée dans mon service. Elle développait la même maladie et avait suivi le même traitement à base de plantes. Pratiquement au même moment, une troisième patiente est arrivée avec la même histoire ».
Le Pr Vanherweghem commence alors à investiguer du côté du centre bruxellois ayant administré les trois cures amaigrissantes. « Le responsable m’a assuré qu’il prescrivait le même traitement depuis douze ans. Le seul changement remontait à 1990, où deux herbes chinoises, le Stephania et le Magnolia, avaient été ajoutées. Réfléchissant au problème avec un collègue de l’institut de Pharmacie, nous nous sommes demandé si le Stephania, classé dans la même catégorie que le très toxique Aristolochia, n’avait pas pu être confondu avec ce dernier. Après analyses et expérimentations, nous avons pu démontrer que les poudres à base de plantes prises par les trois patientes contenaient bien de l’Aristolochia, dont nous avons pu, en outre, prouver l’action dévastatrice sur le rein ».
Depuis lors, les cas se sont multipliés et les produits incriminés ont été retirés de la vente. Toutefois, pour la centaine de patients exposés à l’Aristolochia et atteints d’insuffisance rénale, le cauchemar continue…
« On sait que l’acide contenu dans cette plante transite des reins vers les urines », explique le Pr Vanherweghem. « Les muqueuses de la vessie ayant été exposées à ce toxique, le risque qu’un cancer s’y développe est encore présent dix ans après ».
La prudence reste donc plus que jamais de mise face aux herbes médicinales et aux suppléments alimentaires qui envahissent aujourd’hui magasins bio et supermarchés. « Ces produits n’étant pas soumis aux mêmes contrôles de conformité et de qualité que les médicaments, il n’est pas toujours garanti que ce qui est écrit sur la boîte correspond bien à son contenu », souligne le Pr Vanherweghem. « Et cela, sans oublier que des points d’interrogation subsistent quant à la toxicité de certaines plantes ».
S. D. et A. B.
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