«Bien que la plupart des gens comprennent intuitivement en quoi consiste la peur des aiguilles, le terme n’est pas défini de façon claire et précise. Il regroupe en effet un large éventail de caractéristiques, allant de la simple nervosité face à une piqûre à une peur quasi panique des aiguilles, du sang et des blessures, autrement dit la bélonéphobie, telle que définie dans le DMS-5 (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders). En général, on peut dire que les personnes atteintes de peur des aiguilles présentent pratiquement toujours des symptômes psychiques et/ou physiques, qui ont un impact à des degrés divers sur leur comportement en matière de soins de santé. Je pense par exemple au report d’une consultation chez le dentiste, à une aversion pour les prélèvements sanguins, ou – un sujet tout particulièrement d’actualité – à la peur du vaccin.»
«Une méta-analyse récente a montré que plus vous êtes jeune – et je ne parle pas seulement des enfants, mais aussi des jeunes adultes et des adultes jusqu’à un âge de, grosso modo, 50 ans –, plus vous êtes réceptif à la peur des aiguilles. Les femmes seraient plus touchées, même si on ignore encore si elles évacuent leurs peurs plus facilement que les hommes. Pour l’instant, nous essayons avec notre équipe de mettre en évidence des relations causales entre le profil psychologique d’une personne et la façon dont se manifeste sa peur des aiguilles. Dans ce cadre, nous avons instauré une collaboration avec l’hôpital Elisabeth-Twee Steden Ziekenhuis de Tilburg afin de cartographier très précisément les aiguilles et les procédures d’injection ainsi que les réactions individuelles qu’elles suscitent.»
«La prévalence de la peur des aiguilles en Belgique et aux Pays-Bas est estimée à plus de 30%. Il ne faut en aucun cas sous-estimer son impact sur l’administration des soins de santé.»
«Il est important de prendre en compte le fait que les symptômes associés à la peur des aiguilles se manifestent déjà avant que la piqûre ne soit effectuée. Dans la plupart des cas, il ne s’agit dès lors pas, ou pas seulement, d’une réponse physiologique, provoquée par exemple par une prise de sang ou une douleur causée par une injection. De plus, des études fMRI (imagerie par résonance magnétique fonctionnelle) ont montré que deux zones du cerveau jouent un rôle dans la vue des aiguilles, à savoir le cortex cingulaire antérieur et l’insula, toutes les deux impliquées dans la gestion des situations conflictuelles et le signalement des stimuli sensoriels, comme la douleur, dans un contexte émotionnel. Dès qu’un événement va se produire contre lequel le corps doit se protéger, des signaux sont envoyés de ces zones vers le système nerveux autonome, qui contrôle la réponse corporelle, comme la transpiration, les vertiges, les rougeurs, l’hyperventilation, la nausée et/ou la perte de connaissance. Pour faire simple, notre hypothèse de travail est que la vue des aiguilles suscite chez certaines personnes une réponse dans le cerveau qui, via le système nerveux autonome, se manifeste comme une forme de peur, associée aux symptômes bien connus. Le cerveau opte en d’autres mots pour "Faint" dans le répertoire appelé "Fight, Flight, Freeze or Faint". Notre objectif est de vérifier cette hypothèse dans un futur pas trop éloigné au moyen de la recherche fMRI.»
«Il est important de parler de sa peur des aiguilles, avec son médecin généraliste par exemple. Il ne faut pas avoir honte d’avoir peur des aiguilles. Il existe des solutions qui peuvent aider à diminuer la peur, comme des exercices de relaxation, l’anesthésie locale de la peau ou une game app. Votre médecin généraliste pourra vous en dire plus à ce sujet.»
Dr Ronny Leemans
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