Sophie, 47 ans
Sophie est atteinte de sclérose en plaques depuis ses 31 ans. Elle nous parle du chemin qu'elle a parcouru avant de pouvoir accepter la maladie.
Je suis passée d'une vie tout à fait normale, avec deux jambes en parfait état de marche, une bonne santé et un travail à temps plein comme employée de bureau à une vie avec la sclérose en plaques (SEP). Ce changement a été si soudain! Quelques mois seulement se sont écoulés entre les premiers symptômes de la SEP et mon arrêt de travail total. Je faisais poussées sur poussées, j'étais régulièrement hospitalisée et la maladie m'exténuait.
C'est quand j'ai dû quitter mon travail que j'ai vraiment réalisé que je souffrais d’une maladie grave. J'ai grandi dans une famille où ne pas travailler était vu d'un mauvais œil. Au début, j'ai eu énormément de mal à accepter ce pas de côté forcé. Je trouvais ça profondément injuste. J'étais très en colère contre la maladie! À tel point que je faisais la sourde oreille aux signaux que mon corps m'envoyait. Je «forçais» quand cette fatigue si particulière à la sclérose en plaques se rappelait à moi. Avec mon conjoint, nous avions prévu d'avoir un quatrième enfant et je refusais d'abandonner ce projet. Pour moi, devenir raisonnable signifiait accepter une maladie dont je ne voulais pas, lui laisser une place encore plus grande. Mon corps me jouait un sale tour en refusant de fonctionner correctement, je n'allais pas me mettre à le bichonner!
Très vite, je suis devenue «has been» dans ma propre société: je ne connaissais plus mes collègues, mes clients avaient été transférés à d'autres employés, le système informatique avait changé, mon patron avait été remplacé... Mon entreprise me manquait de moins en moins.
Je suis allée voir une psychologue. Ce travail de thérapie m'a fait énormément de bien. Les années passant, j'ai fini par accepter la maladie. Simultanément, mon traitement de fond a été adapté et mon quotidien s'en est trouvé grandement amélioré.
Aujourd'hui, je mène une vie quasi normale malgré ma sclérose en plaques. Je dis «quasi» parce qu'il y a des failles: je boite légèrement et il y a des choses que je ne suis plus capable de faire. Courir, par exemple, est devenu difficile: quand ça va trop vite, j'ai tendance à m'emmêler les pinceaux parce que je dois davantage réfléchir à ces gestes pourtant a priori automatiques. Je ne suis pas non plus en mesure de me lancer dans un rock endiablé, mais ça n'a jamais vraiment été mon ambition (rires). À part ça, je marche, je conduis, je voyage, je regarde grandir mes trois enfants... et je m'allonge quelques minutes quand je sens la fatigue arriver. Je suis maintenant beaucoup plus à l'écoute de mon corps et j'ai appris à accepter la maladie. Ma façon de voir les choses a beaucoup évolué. Mais ça, ce n'est possible que quand on n'est plus en colère!
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