Publié le 23/02/2011 à 23:09
Comme toute sensation, la douleur est difficile à quantifier. Mais lorsque les mots manquent pour l'exprimer - comme c'est le cas pour de nombreux patients Alzheimer - elle va jusqu'à être ignorée, oubliée. Et pourtant, l'imagerie cérébrale le montre : la douleur est présente bien au-delà des mots.
La douleur, physique ou psychologique, chacun y est un jour confronté. A fortiori lorsqu’on avance en âge et que les petits maux en tout genre ont tendance à s’accumuler. Les patients atteints de la maladie d’Alzheimer souffrent autant que n’importe qui… cela paraît évident. Et pourtant, parce qu’ils ont perdu la capacité de mettre des mots sur la douleur, ils reçoivent globalement moins d’analgésiques (« anti-douleur ») que les autres personnes du même âge. Un « deux poids deux mesures » qui ne se justifie pas vraiment….
Une récente étude australienne a en effet démontré que les patients atteints de la maladie d’Alzheimer ressentent autant – voire plus – la douleur que les autres. Le professeur J. Cole et son équipe ont ainsi comparé les réactions à la douleur de deux groupes – l’un comprenant des personnes avec Alzheimer et l’autre des personnes sans Alzheimer – à l’aide d’un dispositif permettant d’exercer des pressions de différente intensité sur les pouces des patients. Pendant ce test, les chercheurs ont observé les réactions cérébrales de ceux-ci à l’aide d’une IRM (imagerie à résonance magnétique) fonctionnelle, cette technique permettant de rendre compte de l’activation des circuits neuronaux de la douleur.
Il est ainsi apparu que les patients Alzheimer souffraient autant que les autres mais aussi que leur douleur avait tendance à perdurer plus longtemps. Moins aptes à mettre leur douleur en contexte et à en évaluer les conséquences futures, les patients Alzheimer éprouveraient aussi davantage de difficultés à en détourner leur attention. On peut ainsi imaginer que pour les patients les plus sévèrement atteints, la douleur n’en est que plus déroutante.
Parce que la douleur existe même si les mots manquent, les aidants et les soignants sont amenés à mettre en place d’autres stratégies pour reconnaître la souffrance du patient. A cette fin, les professionnels peuvent recourir à une échelle d’évaluation (le PADS ou « Pain and Discomfort Scale) basée sur les expressions faciales et les mouvements du corps. Quant aux aidants, ils développent souvent une incroyable capacité à déceler la douleur et à la soulager, au-delà des grilles d’évaluation utilisées par les médecins. Un contact visuel qui se perd, une grimace qui apparaît : pour quelqu’un qui soigne quotidiennement une personne malade, chaque indice corporel devient message. Mais que l’on sache ou non détecter la souffrance de l’autre, il est primordial, lorsqu’on soupçonne son existence, d’en faire part à un professionnel. Car la lutte contre la douleur vaut aussi pour ceux qui ne savent plus la dire.
Source : Cole, L.J.Brain, Advance online publication, Sept.6, 2006.Julie Luong
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