Pr. Hans Wildiers, oncologue médical spécialisé dans le cancer du sein à l’UZ Leuven
Les personnes âgées atteintes d’un cancer du sein doivent bénéficier d’une prise en charge et d’un traitement différents de ceux des patientes plus jeunes. Hans Wildiers, oncologue à l’UZ Leuven, plaide en faveur d’une évaluation globale de la patiente âgée afin d’éviter autant que possible tout sur- ou sous-traitement.
Près de 30% des patientes, chez lesquelles nous diagnostiquons un cancer du sein, ont plus de 70 ans. Pourtant, le dépistage du cancer du sein en Belgique n’est pratiqué que de 50 à 69 ans et il n’y a plus de dépistage systématique après 70 ans. Cette politique se justifie du point de vue de la population générale, car l’utilité du dépistage diminue avec l’âge étant donné que les seniors décèdent plus souvent d’une autre maladie. De plus, il ne faut pas non plus exagérer la valeur du dépistage du cancer du sein. Il mène dans le public cible des 50 à 69 ans à une légère diminution de la mortalité due au cancer du sein (20%), mais on assiste aussi à nombre de sur-diagnostics et de sur-traitements de tumeurs qui n’auraient jamais occasionné le moindre problème. Nous ne recommandons dès lors pas un dépistage de la population générale pour le cancer du sein au-delà de 70 ans. Mais il faut savoir que certaines femmes ont un risque accru de cancer du sein. On pourrait alors envisager pour ces patientes un dépistage en concertation avec le médecin, en tenant compte de leur état de santé, de leur espérance de vie et de leur souhait.
Chez toutes les patientes nous examinons la taille et l’agressivité de la tumeur, mais chez les personnes âgées il faut tenir compte de deux aspects supplémentaires. D’une part, vous devez avoir une vue de l’état de santé général par le biais d’une évaluation gériatrique. Cela permet de mieux évaluer si la patiente va vivre encore suffisamment longtemps pour présenter une éventuelle rechute et si elle peut supporter un traitement comprenant par exemple une chimiothérapie. D’autre part, il y a le souhait de la patiente: estime-t-elle que cela vaut la peine de subir une chimiothérapie et avoir ainsi 10 à 15% de chances de survie en plus? Pour certaines c’est le cas, pour d’autres pas. C’est en fin de compte la patiente qui décide. On ne détermine pas le traitement uniquement en fonction de l’âge de la patiente.
Dans le cadre de cette évaluation, nous examinons l’organe touché par le cancer et la patiente dans son intégralité. Nous procédons à l’aide de questions: comment se débrouille-t-elle à la maison, est-elle tombée récemment, a-t-elle des problèmes de mémoire ou de dépression, y a-t-il un problème de dénutrition, prend-elle des médicaments inutiles ou existe-t-il des maladies sous-jacentes qui influencent le pronostic et le traitement? Les réponses à toutes ces questions peuvent mener à une meilleure détermination des traitements à envisager ou non.
Absolument. Les seniors souffrent encore souvent d’autres maladies en dehors du cancer. Cette évaluation gériatrique nous permet de déterminer l’état de santé de la personne, la pertinence d’une opération ou d’une radiographie et si la patiente pourra supporter une chimiothérapie ou une thérapie ciblée. Elle nous aide à réduire le risque de sur- ou de sous-traitement et à éviter autant que possible une inutile mortalité due au cancer et d’inutiles effets secondaires de la thérapie. Nous disposons ainsi d’une meilleure vue sur l’espérance de vie de cette personne. Si une patiente a une tumeur au sein agressive, mais a un état de santé globalement précaire, l’espérance de vie moyenne est courte, et une chimiothérapie préventive va faire plus de mal que de bien. Mais, si une personne de 70 ans en pleine forme a une tumeur agressive, la chimiothérapie en vaut véritablement la peine.
Les patientes âgées sont moins fréquemment opérées, on leur administre moins de radiothérapie ou de chimiothérapie. Les reconstructions sont aussi moins fréquentes parce que les personnes âgées estiment généralement que c’est moins important, mais aussi parce que ces interventions peuvent être relativement lourdes.
Nous établissons un trajet de traitement spécifique sur base des résultats de l’évaluation gériatrique de la patiente. La chimiothérapie classique n’est pas aussi évidente chez les personnes âgées, mais il existe aussi des schémas adaptés qui réduisent considérablement le risque de rechute.
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