Publié le 18/06/2018 à 12:05
Dans la prise en charge de la sclérose en plaques, le choix d’un traitement est étroitement lié à la manière dont la maladie se présente.
Schématiquement, on peut distinguer les traitements de la sclérose en plaques (SEP) dits «de première ligne» de ceux de «deuxième ligne» ou de «haute efficacité». Ces derniers, plus puissants mais aussi potentiellement plus toxiques, sont réservés aux formes agressives de la maladie. D’où l’importance de pouvoir déterminer ce qu’on entend par «SEP agressive» et d’identifier le mieux possible les patients concernés. «La question est complexe mais nous disposons de critères relativement précis pour nous y aider», indique le Pr Vincent van Pesch, chef de clinique de neurologie aux Cliniques universitaires Saint-Luc.
Comment définir une SEP «agressive»?L’INAMI a par exemple défini des critères d’accès au remboursement des traitements de deuxième ligne. Ces molécules sont proposées aux patients qui ont fait deux poussées avec récupération incomplète en l’espace d’une année.
En recherche clinique, une accumulation rapide de l’invalidité, par exemple du handicap moteur, est également considérée comme un marqueur d’agressivité de la maladie.
«Enfin, s’il est impossible de prédire avec précision la manière dont la maladie va évoluer à l’échelle individuelle, des indices peuvent nous guider dans notre décision de choisir telle ou telle option thérapeutique», indique le Pr van Pesch. Ainsi, faire des poussées de type névrite optique ou qui entraînent des atteintes sensorielles (picotements, perte de sensibilité…), par exemple, sont plutôt des facteurs de moindre agressivité.
«Nous prenons alors généralement le parti de proposer un traitement de première ligne au patient tout en continuant de suivre étroitement l’évolution de sa maladie», explique le Pr van Pesch. «Cela concerne quand même la grande majorité des patients (entre 85 et 95%, en fonction de la définition utilisée).»
«À l’inverse, sont considérés comme facteurs de mauvais pronostic:
- un nombre important de poussées, associées à une mauvaise récupération, dans les premières années suivant le diagnostic;
- des poussées entraînant des atteintes qui affectent la mobilité du patient (handicap moteur, perte d’équilibre…);
- une quantité élevée de lésions inflammatoires visibles à l’IRM cérébrale et médullaire (de la moelle épinière);
- un échec du traitement initial.
«Chez ces patients, il sera tout particulièrement important d’agir rapidement et d’avoir recours à des molécules plus puissantes, l’enjeu étant de préserver leur réserve neuronale», explique le Pr van Pesch. «En effet, les dernières recherches dans le domaine laissent penser que nous disposons tous d’une certaine réserve neuronale et que la sclérose en plaques "grignote" peu à peu ce stock de neurones, l’épuisant progressivement», indique le Pr van Pesch. «Une fois cette réserve épuisée, le patient ne récupère plus des poussées et le handicap s’accumule de manière irréversible. Or les traitements dont nous disposons à l’heure actuelle ne sont efficaces que dans la phase d’activité inflammatoire de la maladie, quand la réserve neuronale est encore (partiellement) disponible. Il y a donc une "fenêtre d’opportunités" à ne pas manquer.»
Quelles conséquences pour le traitement?«Concrètement, il est tout à fait envisageable de proposer au patient un traitement de deuxième ligne dès l’annonce de son diagnostic si sa maladie est d’emblée agressive», remarque le Pr van Pesch.
Autre cas de figure possible: un patient dont la maladie semble échapper au traitement. «Grâce au large arsenal thérapeutique dont nous disposons à l’heure actuelle, nous pouvons lui proposer de passer à un traitement de haute efficacité», indique le Pr van Pesch.
Pour autant, les traitements de première ligne conservent une place de choix au sein des options thérapeutiques. «Il important de comprendre que l’efficacité a un prix», rappelle le Pr van Pesch. «Certes, les traitements de deuxième ligne peuvent aider certains patients à stabiliser l’évolution de la maladie et limiter l’accumulation du handicap. Mais ces médicaments nécessitent une surveillance accrue et ont un coût en termes d’effets secondaires. Ils peuvent par exemple être liés à des risques d’infection, de maladies auto-immunes secondaires…»
«Ces risques sont néanmoins bien encadrés», rassure le Pr van Pesch. «Le jeu en vaut donc assurément la chandelle pour les patients atteints d’une forme agressive de la maladie! Mais une balance doit être trouvée entre l’efficacité du traitement et le risque d’effets secondaires. Sans compter que nous n’avons pas encore le recul à long terme nécessaire pour savoir avec certitude si les traitements de haute efficacité permettent d’infléchir l’histoire naturelle de la maladie en empêchant la transition vers une forme secondaire progressive.»
Le choix d’un traitement de première ligne reste dès lors tout à fait opportun pour les patients qui présentent des facteurs de moindre agressivité. «Dans ces cas-là, nous gardons alors les molécules plus puissantes en réserve», précise le Pr van Pesch.
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