Publié le 13/11/2014 à 16:16
La consommation de sel pourrait-elle avoir une influence sur l'activité de la sclérose en plaques? Cette question a récemment retenu l'attention d'une équipe de chercheurs. Décryptage de leur étude.
70 personnes atteintes de sclérose en plaques (SEP) récurrente-rémittente ont participé à cette étude menée par un groupe de chercheurs argentins (1).
Pendant 2 ans, la quantité de sodium excrétée dans les urines de ces patients a été mesurée à intervalles réguliers. Le but: avoir un aperçu objectif de leur consommation de sel.
En parallèle, l'évolutivité de leur maladie a été évaluée à l'aide de deux paramètres:
L'équipe de chercheurs s'est ensuite intéressée aux corrélations entre l'ingestion de sel et le caractère évolutif de la SEP de ces patients.
Ce qu'il ressort de cette étude? Tant la fréquence de survenue des poussées que le volume de plaques sont proportionnels à la quantité de sel ingérée.
Ainsi, chez les consommateurs «moyens» (entre 2 et 4,8 g de sel par jour), la fréquence des poussées était multipliée par 2,75 par rapport aux patients qui avaient une faible consommation de sel. Les «gros» consommateurs (plus de 4,8 g de sel par jour) avaient 3,95 fois plus de risque de faire une poussée.
Au niveau des examens d'imagerie médicale, le risque de présenter de nouvelles plaques était multiplié par 2,86 chez les consommateurs moyens et par 3,42 chez les gros consommateurs.
L'étude comportait également une cohorte de 52 patients dont la consommation de sel a été corrélée à un examen d'imagerie médicale du cerveau. Ici encore, le volume des lésions cérébrales était plus élevé chez les gros consommateurs de sel.
«Même si cette étude se base sur de petites cohortes de patients, ses résultats sont statistiquement significatifs et potentiellement très intéressants», commente le Pr Vincent van Pesch, neurologue aux Cliniques universitaires Saint-Luc. «Ce type de recherche mériterait d'être répliqué à plus grande échelle, avec une cohorte de patients plus importante et en veillant à contrôler les autres facteurs susceptibles de moduler l'activité de la maladie indépendamment de la consommation de sel (traitements, taux de vitamine D dans le sang, tabagisme...).»
«Les mécanismes physiologiques qui sous-tendent l'hypothèse de base de cette recherche sont de plus en plus investigués», poursuit le Pr van Pesch. «Ainsi, une récente étude publiée dans la revue médicale Nature (2) a démontré l'influence du sel dans l'activation d'une catégorie de globules blancs appelés lymphocytes TH17. Ces cellules très agressives sont impliquées dans plusieurs maladies auto-immunes. Dans le cas de la SEP, les lymphocytes TH17 s'attaquent au système nerveux central (cerveau et moelle épinière) du patient.»
Faut-il dès lors recommander aux personnes atteintes de SEP de bannir le sel de leur assiette? «Pas si vite!», tempère le Pr van Pesch. «L'excès de sel est bien sûr nocif pour l'organisme en général et une consommation modérée est toujours recommandée. Il est vrai aussi que ces études ouvrent de nouvelles perspectives. Mais je pense qu'il est trop tôt pour édicter des règles de conduite strictes pour les patients SEP.»
La consommation de sel n'est pas le seul facteur alimentaire susceptible d'avoir une influence sur l'activité de la SEP. D'autres éléments suscitent de plus en plus l'intérêt des chercheurs. «La flore intestinale, notamment, pourrait également jouer un rôle dans le fonctionnement du système immunitaire et dans l'activation des lymphocytes TH17», précise le Pr van Pesch.
«Je pense que l'on se dirige vers une approche plus globale de la prise en charge de la SEP», poursuit-il. «Une approche, dans laquelle nous tenons de plus en plus compte d'une constellation de facteurs environnementaux qui, assemblés les uns aux autres, seront complémentaires au traitement et aideront à mieux contrôler l'évolution de la maladie.»
Aude Dion
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