Koen Block: Avec l’arrivée des inhibiteurs de la protéase à la fin des années 90, la thérapie consistait en un très grand nombre de comprimés moins supportables et plus difficiles à prendre en comparaison avec le traitement actuel. Les effets secondaires avaient un impact direct sur ma vie de tous les jours. Aujourd’hui, les patients VIH sont traités beaucoup plus vite, ce qui préserve davantage leur système immunitaire. Les médicaments sont aussi moins toxiques qu’avant. La qualité de vie des patients est aujourd’hui bien meilleure.
Pr Moutschen: A la fin des années 90, convaincre les patients de suivre leur traitement demandait beaucoup de temps. Mais celui-ci signifiait leur survie, il valait donc la peine d’en accepter les effets secondaires (diarrhée, nausées…). Aujourd’hui, ceux-ci sont minimes, donc la majorité des patients est moins réticente. De plus, les médicaments sont plus faciles à prendre qu’auparavant. Les trois composants de la trithérapie ont été regroupés dans une seule gélule, et celle-ci est à prendre une seule fois par jour.
Koen Block: J’ai désormais des séquelles physiques chroniques à cause des médicaments que j’ai pris pendant de nombreuses années: douleurs neuropathiques, diabète, hypertension… Mais ces médicaments m’ont sauvé la vie!
Pr Moutschen: Pour ma part, je soulignerais la problématique du long terme. D’après les études cliniques, les traitements sont inoffensifs. Mais il manque un recul de cinq ou dix ans concernant la nouvelle génération d’antirétroviraux, à savoir les anti-intégrases. Ceux-ci sont puissants et merveilleusement bien tolérés. Mais concernant la grossesse notamment, une question reste en suspens: peut-on les prescrire aux femmes enceintes? Ou est-il préférable de leur prescrire un traitement d’ancienne génération qui a davantage d’effets secondaires, mais dont les effets à long terme sont mieux connus?
Koen Block: Je pense qu’il y aura encore une simplification du traitement médicamenteux. Ce qui sera tout bénéfice pour le confort et la compliance du patient. D’autre part, les scientifiques mènent des recherches sur des médicaments destinés à renforcer le système immunitaire naturel, par exemple par le biais d’un vaccin thérapeutique.
Pr Moutschen: La bithérapie peut être une piste pour simplifier le traitement. Contrairement à la trithérapie, elle ne contient pas d’inhibiteur nucléosidique de la transcriptase inverse. Il s’agit d’un composant potentiellement toxique, notamment pour les mitochondries. A court terme, la bithérapie pourra remplir son rôle: le patient aura une charge virale indétectable, un taux de CD4 stable, il ne sera pas contagieux pour son ou sa partenaire. Il est intéressant d’explorer cette stratégie, mais la recherche doit s’y pencher davantage.
Koen Block: L’idéal serait qu’un véritable médicament contre le VIH/sida soit mis au point ou alors un vaccin permettant de prévenir l’infection par le virus. Mais on n’en est pas encore là! Je trouverais déjà rassurant qu’on développe un traitement qui serait aussi plus sûr à plus long terme.
Pr Moutschen: Un vaccin préventif pourrait en effet être développé, mais nous n’y sommes pas encore. Des traitements injectables à longue durée d’action pourraient, par contre, voir le jour. Leur avantage: une seule injection intramusculaire, tous les 15 jours ou tous les deux mois par exemple, serait alors nécessaire.
Article écrit par Caroline Stevens et Alicia Alongi, journalistes santé.
"Je pense que le SIDA est encore mal perçu dans notre société. C'est une maladie qui est toujours associée à deux sujets tabous: la sexualité et la mort. Et nous vivons dans une société où il est toujours compliqué d'aborder ces deux sujets malgré l'étalage médiatique. En tant que séropositif, ça change évidemment notre façon de vivre la maladie."
"J'ai peur des réactions de rejet car c'est une chose que j'ai constatée autour de moi. Je n'en ai donc discuté qu'avec des gens dont j'étais sûr de la réaction. Personnellement, ma thérapie marche bien, mais j'ai toujours un pincement au cœur quand je fais mes analyses trimestrielles. Il y a des gens de ma famille proche à qui je n'en ai même pas parlé."
"Il est possible qu'un jour je ne cache plus ma séropositivité. Mais si je fais ça, ce sera plutôt dans une optique militante. Je ne le ferai pas parce que les tabous seront tombés, tout simplement parce que je ne pense pas qu'ils vont tomber."
Article réalisé avec la collaboration du Dr Jean-Christophe Goffard, responsable du Centre de référence SIDA de l'Hôpital Erasme
Nous nous rassemblons avec les associations partenaires et les patients pour rappeler aux gens, mais aussi aux politiques, que le problème du sida est toujours présent. Cette réalité a tendance à être oubliée en dehors du 1er décembre. Côté politique, nous nous sentons trop peu soutenus. Nous avons pourtant besoin de moyens pour continuer à lutter contre cette infection, qui touche encore trois personnes par jour en Belgique. Mais la journée mondiale, c'est aussi l'occasion pour tous de faire preuve de solidarité.
Oui, peu de choses ont changé de ce côté là. Beaucoup de fausses idées circulent encore sur le sida. Des peurs irrationnelles comme la transmission du virus par les moustiques, les planches de WC… Les professionnels de la santé ne sont pas tous toujours bien informés. Certains ignorent, par exemple, que les patients VIH peuvent avoir un enfant s'ils sont bien pris en charge. Ces derniers font aussi toujours face à des discriminations comme le refus d'emploi, d'assurance ou encore de pouvoir fréquenter une communauté (maison de repos, crèche...)
L'arrivée de la trithérapie en 1996 a vraiment été miraculeuse. Des personnes qui se savaient condamnées ont pu continuer à vivre, retourner sur le marché du travail…
Autre progrès: l'accès au traitement post-exposition au grand public en cas de rapport à risque.
La création de tests aux résultats rapides (environ une demi-heure) constitue également une avancée pour le dépistage des personnes plus vulnérables, qui ont peu accès aux soins de santé.
Et enfin les possibilités de traitement ne cessent d'évoluer. De nouvelles molécules ont vu le jour, les perspectives sont très prometteuses!
A l'occasion de la Journée Mondiale de lutte du Sida, de nombreuses actions seront organisées dans tout le pays. Pour plus d'infos sur le programme, rendez-vous sur http://www.preventionsida.org/v2/357.
http://www.sensoa.be/campagne/wereldaidsdag-2011
"Nous possédons aujourd'hui un grand nombre de traitements antirétroviraux. En tant que thérapeutes, nous essayons d'être à l'écoute du patient pour sélectionner le traitement le plus efficace et qui provoquera le moins d'effets secondaires possibles."
"Nous savons que nous devons faire attention à certains médicaments. Nous évaluons donc toujours les bénéfices et les risques. Mais il faut avoir à l'esprit que la trithérapie est toujours moins toxique que le virus."
"L'approche psychologique est importante. Il faut se rendre compte que l'ennemi, c'est le virus, pas le traitement! Ce n'était pas vrai à une époque où les traitements étaient tellement difficiles à tolérer que les patients en avaient peur. Mais à l'heure actuelle, il est possible de bénéficier d'un traitement bien toléré et personnalisé qui permet d'avoir une qualité de vie optimale."
Article réalisé avec la collaboration du Dr Jean-Christophe Goffard, responsable du Centre de référence SIDA de l'Hôpital Erasme
«La prise en charge du VIH en Belgique, comme dans de nombreux pays européens, est efficace: aujourd’hui plus de 90% des patients diagnostiqués reçoivent un traitement antirétroviral et, parmi ceux-ci, 90% au moins ont une charge virale indétectable. Notre point faible est le dépistage: on estime que 15 à 20% des personnes séropositives s’ignorent. C’est ce qu’on appelle l’épidémie cachée», explique le Pr de Wit. «Nos efforts doivent se concentrer sur ce volet pour faire en sorte qu’au moins 90% des personnes infectées connaissent leur statut. Une fois dépistées, les personnes séropositives peuvent recevoir un traitement antirétroviral et contrôler leur charge virale. Le dépistage et la prise en charge qui s’en suit représentent donc un bénéfice pour l’individu mais aussi pour la communauté, puisqu’un patient en suppression virologique ne transmet plus le virus.»
«Dans notre pays, quelque 600.000 tests de dépistage sont réalisés chaque année. Nous effectuons beaucoup de tests. Le problème est que nous ne ciblons pas suffisamment les deux plus grands groupes d’intérêt, à savoir les hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes et les migrants essentiellement d’origine subsaharienne. Nous allons par exemple réaliser un test de dépistage en préopératoire chez une personne âgée qui se fait opérer de la cataracte: la probabilité que ce patient soit séropositif reste faible par rapport aux populations à risque!».
«L’épidémie cachée en Belgique est associée à un taux de dépistage tardif de 30-35%. Les freins au dépistage – et au dépistage précoce – sont de plusieurs sortes:
«Deux outils sont actuellement mis en place pour faciliter l’accès au dépistage. L’autotest à orientation diagnostique est depuis peu disponible en pharmacie. C’est un outil efficace qui va certainement contribuer à un plus grand nombre de dépistages. Malheureusement, ce test dont le prix est de 30 € n’est pas remboursé par la mutuelle et exclut donc une partie de la population à risque, comme les migrants qui ont d’autres priorités financières. L’autre outil important en passe d’être déployé est le dépistage démédicalisé (sans la présence obligatoire d’un médecin) et délocalisé. Le but de ce dépistage est d’aller vers les populations à risque plutôt qu’attendre qu’elles viennent à nous. À l’image de certaines collectes de sang qui s’organisent sur des lieux d’intérêt, nous allons aussi pouvoir aller là où les personnes à risque sont présentes en grand nombre: dans les boîtes de nuit gay, sur des évènements comme la gay pride, des fêtes africaines… On pourra le faire avec des groupes de la communauté, des activistes, des groupes de soutien qui s’impliquent dans cette cause.»
Article réalisé en collaboration avec le Pr Stéphane De Wit, Chef de Service des Maladies Infectieuses au CHU Saint-Pierre. Mis en ligne le 1er juin 2017.
«Ils ont souvent un peu peur lorsque le traitement est initié. La crainte de voir surgir des effets secondaires, notamment les troubles digestifs comme les nausées et les diarrhées, peut être importante. Mais il ne faut pas oublier tous les effets positifs liés au traitement qui sont nettement supérieurs!»
«Je pense que le médecin doit toujours être à l’écoute et au service de son patient. Les objectifs du traitement doivent par exemple être très clairement énoncés. Ceux-ci visent à ne pas tomber malade, bien sûr, mais aussi à conserver ou restaurer une qualité de vie optimale, y compris en ce qui concerne la vie affective et sexuelle.»
«On a démontré qu’avec un traitement permettant d’avoir une charge virale indétectable pendant plus de 6 mois, les patients étant dans le cadre d’une relation de couple stable, monogame, et en l’absence d’autres maladies sexuellement transmissibles, n’étaient plus contagieux. Cela permet à la personne infectée d’être plus sereine dans sa vie de couple. Prendre le risque de contaminer la personne qu’on aime est particulièrement angoissant même si on porte un préservatif.»
«Oui, d’autant plus que les traitements antirétroviraux le permettent encore mieux aujourd’hui. Ces traitements s’améliorent d’année en année. Au début des années 2000, ils étaient encore relativement lourds, mais depuis une dizaine d’années ils se sont «affinés». Ce qui permet désormais d’avoir une charge en pilules moindre – la plupart des patients n’auront qu’une ou deux pilule(s) à prendre une fois par jour. Cela permet également au médecin de disposer de suffisamment d’options thérapeutiques pour trouver le traitement le mieux adapté à son patient et qui ne provoquera pas d’effets secondaires.»
«Dans ce cas, il ne faut pas hésiter à retourner vers son médecin pour adapter le traitement si cela s’avère nécessaire. La communication est importante.
Et comme les patients parlent parfois plus facilement à leur infirmière qu’à leur médecin, nous disposons, dans les centres de référence, de plusieurs interlocuteurs qui peuvent être à l’écoute du patient: infirmières, psychologues, assistants sociaux... Cette équipe pluridisciplinaire permet d’avoir des espaces de parole primordiaux pour sauver certaines situations. Lorsqu’un patient veut par exemple mettre un terme à son traitement mais n’en a pas discuté avec son médecin au moment de la consultation médicale.»
Il arrive que la prise simultanée de plusieurs médicaments ou substances ne fasse pas bon ménage. On utilise le terme «interaction» quand un médicament ou une substance modifie l’effet d’un(e) autre présent(e) au même moment dans l’organisme. «Les interactions peuvent prendre plusieurs formes: l’effet d’une des deux substances (ou des deux) peut être amplifié, ce qui peut alors la(les) rendre toxique(s). À l’inverse, l’interaction peut aussi se manifester par une baisse de l’action d’une des deux substances, entraînant alors une perte d’efficacité du traitement», explique le Dr Florence.
Ces dernières années, la prise de drogues récréatives (GHB, GBL, ecstasy, poppers, cocaïne, crystal meth, kétamine, méphédrone…) est devenue un phénomène relativement fréquent auprès des jeunes. Ces drogues sont régulièrement utilisées dans le cadre des «chemsex», c’est-à-dire des relations sexuelles sous l’effet de drogues. Si le recours à ces drogues récréatives entraîne des risques non négligeables dans la population générale (notamment un risque de transmission de maladies infectieuses par le partage de seringues ou de pailles), chez les patients VIH sous traitement antirétroviral, la prise de ces drogues peut provoquer des interactions médicamenteuses graves.
La plupart des molécules antirétrovirales sont susceptibles d’interagir à des degrés divers avec les drogues récréatives. «Les boosters (molécules destinées à augmenter la concentration des antirétroviraux dans le corps), tels que le ritonavir et le cobicistat, sont le plus susceptibles d’occasionner des interactions. En ralentissant la dégradation des produits psychoactifs par le foie, ces boosters provoquent une augmentation de leur concentration et de leur durée de vie dans le sang, ce qui peut entraîner de sérieux effets secondaires, voire une overdose», précise le Dr Florence. «Les médicaments psychoactifs et les médicaments contre les troubles érectiles, souvent utilisés en combinaison avec les drogues récréatives, peuvent également produire des interactions médicamenteuses.» Finalement, la prise d’alcool peut également renforcer les effets négatifs de ces drogues en provoquant une toxicité cumulée.
Les patients ayant recours aux drogues récréatives ne se considèrent pas comme «drogués» et dépendants. «C’est pourquoi notre approche en tant que médecin est différente», explique Éric Florence. «Nous visons la diminution des risques plutôt qu’une approche normative. Nous essayons de faire en sorte que le patient utilise ces substances de manière responsable, limitée et contrôlée.»
Aujourd’hui, les patients atteints du VIH ou du SIDA vivent de plus en plus longtemps. Le vieillissement accéléré des organes causé par la maladie, mais aussi les maladies liées à l’âge (hypertension, diabète, hypercholestérolémie…) induisent souvent une polymédication chez ces patients. «Les risques d’interactions médicamenteuses sont alors plus nombreux. En tant que médecin, nous y sommes particulièrement attentifs», rappelle le Dr Florence. «Plusieurs options s’offrent à nous en fonction du problème: si l’efficacité d’un des médicaments est diminuée, nous pouvons augmenter la dose active. Si l’interaction médicamenteuse induit une toxicité, nous pouvons diminuer la dose du médicament concerné. Enfin, nous pouvons aussi décider de changer de molécule, que ce soit au niveau de l’antirétroviral ou du traitement de l’autre maladie.»
Article réalisé en collaboration avec le Dr Éric Florence, responsable du département VIH/IST de l’Institut de Médecine Tropicale à Anvers. Article publié le 20 juin 2016.
Si le traitement d’un patient VIH est efficace, pourquoi le médecin proposerait-il une autre thérapie?
«De nouveaux médicaments ou combinaisons de médicaments permettant de limiter le nombre de pilules que le patient doit prendre par jour sont régulièrement commercialisés. Le traitement standard comporte encore toujours un cocktail de trois médicaments antiviraux, mais il est souvent possible aujourd’hui de les combiner dans un seul comprimé, c’est ce qu’on appelle le "schéma posologique à comprimé unique". Il augmente la facilité d’utilisation et la compliance au traitement du patient.»
Les effets secondaires peuvent-ils entraîner une adaptation du traitement?
«Oui, si des effets secondaires se manifestent rapidement après le démarrage du traitement, par exemple des troubles de la fonction hépatique ou des plaintes gastro-intestinales, on va en principe passer rapidement à une autre thérapie. Les effets secondaires peuvent toutefois aussi se produire à plus long terme. Certains médicaments peuvent par exemple provoquer progressivement une altération de la fonction rénale ou une diminution de la densité osseuse (ostéoporose). Tout cela peut justifier une modification du traitement même si par ailleurs le patient y répond et le supporte bien.»
L’interaction avec d’autres médicaments constitue-t-elle parfois aussi un problème?
«C’est exact et c’est surtout le cas chez les patients VIH qui avancent en âge. Avec le vieillissement, d’autres problèmes de santé se manifestent en effet régulièrement, comme une hypercholestérolémie ou une dépression. Les statines (inhibiteurs de la synthèse du cholestérol), les antidépresseurs et les traitements du VIH peuvent renforcer ou affaiblir réciproquement leur action. Une adaptation de la dose ou le passage à un autre médicament contre le VIH peut constituer une solution.»
Si une patiente exprime un désir de grossesse, le traitement contre le VIH doit-il être stoppé?
«Nous savons que certains médicaments peuvent être administrés en toute sécurité pendant la grossesse. Mais nous ne le savons pas encore avec suffisamment de certitude pour d’autres médicaments. Dans ce cas, nous préférons passer déjà avant la grossesse à un médicament plus sûr. Il est déconseillé de stopper provisoirement le traitement contre le VIH.»
Quels patients entrent en considération pour une adaptation du traitement?
«Tous les patients cités ci-dessus. Mais il faut savoir que chaque traitement est aujourd’hui fortement individualisé. Une adaptation du traitement se produit toujours en accord avec le patient: s’il y a trop d’effets secondaires, s’il existe de meilleures alternatives ou si le confort du patient n’est pas entièrement optimal avec un traitement, on passe en revue les possibilités de modification thérapeutique. Un patient peut par exemple être stable depuis un long moment déjà avec un traitement qu’il doit toujours prendre avec les repas. Mais il existe aussi depuis des thérapies qui peuvent être prises en dehors des repas. Si un patient préfère ce type de prise, nous adapterons la thérapie dans la mesure du possible.»
Cette modification peut-elle se faire à n’importe quel moment?
«C’est possible, en effet. On introduit une nouvelle demande de remboursement auprès du médecin conseil de la mutualité. Mais, en principe, nous pouvons du jour au lendemain passer à un autre traitement. Il n’y a pas de raisons médicales de ne pas le faire chez un patient dont l’état est stable. Parfois la modification thérapeutique est reportée, par exemple si le patient a planifié un voyage ou un événement important. Nous préférons attendre que cela soit passé.»
Article écrit par Caroline Stevens, journaliste santé. Publié le 15 décembre 2016.
Axel J’ai été diagnostiqué en 1989, j’avais 30 ans. Je me sentais sans cesse fatigué, c’est pourquoi j’ai consulté mon médecin traitant. L’analyse sanguine a révélé que j’étais atteint du virus du SIDA. Selon mon médecin, je n’avais plus que 6 mois à vivre… Cela a été très difficile à entendre, mais j’ai décidé qu’il en serait autrement. Au même moment, j’ai décroché un boulot fantastique et je m’y suis accroché pour ne pas trop penser à mes problèmes de santé. C’était ma stratégie de survie! Et j’ai eu de la chance par rapport à d’autres personnes.
Arno J’ai été diagnostiqué en 2008, j’avais 19 ans. À l’époque, j’effectuais un dépistage du SIDA/VIH tous les trois mois, auprès du médecin scolaire. Évoluant dans la communauté gay, j’étais conscient du risque de contracter le virus. Le médecin a fondu en larmes, tandis que moi je suis resté assez stoïque. J’ai positivé dès le départ, en me disant que ce n’était pas la fin du monde. Je me suis juste dit que faire des rencontres serait plus compliqué. C’est une préoccupation importante pour les personnes atteintes du SIDA/VIH à notre époque, plus que celle de savoir si l’on va survivre à la maladie ou non.
Axel Lors de mon diagnostic, il n’existait aucun traitement. Le premier, la Zidovudine, est apparu trois ou quatre ans plus tard. Ce médicament provoquait de nombreux effets secondaires, comme la diarrhée dont j’ai souffert pendant des années.
C’est seulement en 1996 qu’il y a eu un choix plus important de médicaments, grâce à l’apparition des trithérapies ayant moins d’effets secondaires. Cependant, au début, il fallait les prendre trois fois par jour, ce qui était contraignant. Ensuite, la posologie s’est simplifiée. À présent, je ne prends mes médicaments qu’une fois par jour.
Arno J’ai commencé par prendre deux comprimés par jour, en une seule prise: l’un d’Efavirenz, et l’autre combinant l’Emtricitabine et le Ténofovir disoproxil. Lorsque ma charge virale est devenue indétectable, j’ai pu prendre un seul comprimé par jour, combinant ces 3 molécules. Récemment j’ai à nouveau changé pour un traitement de nouvelle génération qui associe l’Emtricitabine, la Rilpivirine et le Ténofovir alafénamide. Seul l’Efavirenz a eu un effet secondaire: une crise d’urticaire qui a duré trois jours. Pour le reste, mon traitement n’a jamais été contraignant. Je programme juste une alarme pour ne pas oublier de le prendre.
Axel Il y a 5 ans, mon médecin m’a diagnostiqué de l’hypertension et donc des risques cardiovasculaires. Cette annonce m’a fait un choc, car cela m’a donné l’impression que la mort était de retour. Moi je voulais vivre, et en bonne santé! Quelques mois plus tard, j’ai été atteint de dégénérescence maculaire. Pour moi, il n’était pas normal d’avoir ces problèmes à 55 ans, car ceux-ci concernent normalement les personnes âgées. En lisant des études scientifiques, j’ai alors appris que le virus du SIDA/VIH accélère le vieillissement, à cause de l’inflammation chronique qu’il génère et qui cause des effets secondaires à long terme (comorbidités). Mais cela concerne davantage les personnes qui ont été diagnostiquées il y a longtemps comme moi.
Arno Je sais que, théoriquement, les traitements ont des effets secondaires à long terme: diabète, problèmes de fonction rénale ou de cholestérol précoces… Cependant, je n’en constate aucun, même après 10 ans de traitement déjà. Par ailleurs, je n’ai connu que les traitements de nouvelle génération, donc il se peut que ces effets à long terme ne soient plus d’actualité, vu que nous n’avons pas encore assez de recul par rapport à ces nouveaux traitements. Le VIH mis à part, je suis en excellente santé, sans différence avec les séronégatifs.
Arno est bénévole pour l’association ExAequo.
Axel est le fondateur de l’association Utopia_BXL.
Article rédigé par Alicia Alongi, journaliste santé.
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