Dr Corina Martinez-Mena, oncologue médical à la Clinique du sein ISALA du CHU Saint-Pierre.
L’annonce du diagnostic du cancer du sein HER2+, comme les autres formes de cancer du sein, est bien évidemment très mal vécue par la patiente. Par sa famille aussi. Rencontre avec le Dr Corina Martinez-Mena, oncologue médical à la Clinique du sein ISALA du CHU Saint-Pierre.
«L’annonce du cancer du sein crée un véritable bouleversement dans la dynamique familiale, tant d’un point de vue émotionnel que fonctionnel. Les réactions de la patiente mais aussi des membres de sa famille varient beaucoup selon le caractère de chacun et son vécu. Certains réagissent avec beaucoup de colère et d’agressivité, d’autres ont tendance à se rapprocher très fort de leur maman/épouse/sœur… Les membres de la famille se sentent souvent démunis face au cancer car ils veulent aider la patiente mais éprouvent des difficultés à trouver le juste équilibre pour ne pas l’étouffer. Ils ont souvent l’impression d’être "à côté de la plaque" ou de ne pas pouvoir répondre aux besoins et envies de la patiente. Le cancer du sein HER2+ étant une forme de cancer plutôt agressive, il peut susciter davantage d’inquiétudes dans le noyau familial.»
«En effet. Au niveau organisationnel, la cellule familiale est aussi déstabilisée. La patiente, fatiguée sous l’effet des traitements, ne peut souvent plus s’adonner à ses tâches habituelles. Pourtant, les enfants doivent encore aller à l’école, faire leurs devoirs, manger, avoir des vêtements propres, participer à leurs activités extrascolaires. Le conjoint prend régulièrement le relais et un réseau d’amis s’organise parfois autour de la patiente pour donner un coup de main. La baisse des revenus, dû à l’arrêt de travail de la patiente, peut aussi susciter une inquiétude supplémentaire et une réorganisation.»
«L’ouragan que provoque le cancer du sein peut ébranler la vie de couple. C’est une épreuve difficile qui requiert une bonne communication entre les deux partenaires. La patiente subit un traitement qui, même s’il est supportable, entraine une série de changements pouvant affecter son image de femme: perte des cheveux, des sourcils, des cils, des poils pubiens, peau abimée, sécheresse des muqueuses…, les rapports intimes peuvent dès lors être plus difficiles, moins agréables et moins fréquents car ils ne représentent pas une priorité pour la patiente, préoccupée par d’autres choses ou trop fatiguée. Le conjoint est souvent désarmé, impuissant et n’arrive pas à exprimer ses émotions. Il ne parvient souvent pas à mettre des mots sur ce qu’il ressent. Il est très important que les deux partenaires communiquent beaucoup pour surmonter cette épreuve ensemble. »
«Le cancer du sein HER2+, comme je l’ai dit plus tôt, est une forme de cancer plus agressive, avec un risque de récidive et de métastases plus élevé. La découverte de médicaments anti HER2, comme l’herceptine, a heureusement donné une nouvelle réponse aux patientes atteintes de cette forme de cancer. Récemment, un nouveau mode d’administration de l’herceptine a vu le jour: l’administration par voie intraveineuse (30 minutes) peut être remplacée par une injection sous-cutanée prenant à peine 3 à 5 minutes. Les patientes font donc un petit saut rapide à l’hôpital, puis peuvent retourner chez elles. Des études ont démontré que des traitements plus courts ont un impact positif sur le moral des patientes car elles ont l’impression d’être moins malades. Et cela a évidemment un effet sur les relations familiales car lorsque la patiente se sent mieux, c’est généralement aussi le cas de la famille.»
«L’après cancer n’est pas une période facile pour la patiente et sa famille. La famille a tendance à vouloir mettre cette épreuve derrière elle et reprendre sa vie "comme avant", notamment lorsque la patiente reprend une activité professionnelle. À l’exception près que la patiente n’est pas encore totalement remise de son cancer: la fatigue est généralement encore présente et la patiente a encore besoin d’exprimer certaines de ses difficultés. C’est donc souvent une période douloureuse pendant laquelle la patiente se sent incomprise.»
«Il existe, dans les services d’oncologie, une équipe de psychologues qui prennent en charge la patiente et sa famille si elles en ressentent le besoin – ce qui n’est pas le cas de tout le monde. L’épreuve du cancer fait parfois ressurgir au sein des familles des problèmes ou des tensions enfouies depuis longtemps qu’il est bon de pouvoir régler. La patiente peut aussi se joindre à des groupes de soutien composés d’autres patientes pour partager son expérience, échanger des conseils et se sentir comprise par des personnes qui traversent la même épreuve. Enfin, d’un point de vue organisationnel, il existe de nombreuses aides à domiciles pour soutenir la famille dans les tâches quotidiennes (repas, courses, ménage, navettes…).»
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