Le saignement, souvent localisé dans une articulation, est la cause la plus fréquente de douleur chez les hémophiles. Avec à la clé de lourdes conséquences sur les structures entourant l’articulation, comme le cartilage et la capsule, qui finissent par s’endommager. À terme, une «usure» précoce de l’articulation (arthrose) peut se produire et occasionner une exacerbation de la douleur locale.
Plus les saignements sont réguliers, plus la douleur va empirer ou s’étendre. Et à chaque fois, le système nerveux va envoyer des informations au cerveau. Ce dernier capte ces signaux, et le patient ressent alors une douleur ou une douleur plus intense. À la longue, le système nerveux central peut être activé sans qu’aucun nouveau saignement ou qu’aucune destruction articulaire supplémentaire ne se soient produits. Cette activation sera aussi ressentie comme une douleur. «Nous savons que le système nerveux des personnes qui éprouvent fréquemment des douleurs n’est plus fiable dans la détermination de ces dernières. Des problèmes cérébraux peuvent aussi être une source de douleur», explique le Pr Roussel (sciences de la revalidation, Universiteit Antwerpen).
Tant les prestataires de soins que les personnes hémophiles ont les plus grandes difficultés à faire la distinction entre la douleur due à un saignement et celle causée par l’exacerbation d’un problème articulatoire. En effet, les patients décrivent leur douleur dans des termes identiques. Les autres plaintes aussi - gonflement, mobilité réduite, appui difficile, etc. - se chevauchent. De plus, on ne dispose pas toujours d’une imagerie médicale. Il se peut aussi que la douleur ne soit plus un signal fiable: on ressent une douleur, mais il n’y a pas de nouvelle atteinte. Chez ces patients, l’imagerie médicale des articulations ne va rien montrer, étant donné que le problème se situe au niveau du système nerveux et/ou du cerveau. «Nous ne disposons pas encore de l’instrumentation appropriée pour rechercher de façon précise l’origine de chaque douleur chez chaque patient. En tant que prestataires de soins, nous pouvons toutefois essayer de dresser la carte de tous les facteurs qui peuvent jouer un rôle et tenter ainsi de sortir le patient du cercle vicieux de la douleur chronique et de son corollaire, la mauvaise qualité de vie.»
Les personnes hémophiles peuvent éprouver de terribles douleurs face auxquelles les prestataires de soins sont parfois impuissants. Un antidouleur seul ne peut en effet pas résoudre le problème de la douleur chronique. Les médicaments sont une des composantes du traitement de la douleur mais ils en sont rarement le principal élément. Les autres composantes vont d’un mode de vie actif à la capacité à doser ses efforts dans la vie quotidienne, les perceptions et les émotions autour de la douleur. D’après les guidelines de l’arthrose, les exercices physiques légers avec charge articulaire sont indiqués, même si les patients peuvent avoir peur de charger l’articulation atteinte. Le coaching, les adaptations du mode de vie et les comorbidités, comme la prise en charge de l’obésité, aident également.
Le Pr Roussel insiste également sur le fait que les patients doivent parler des douleurs qu’ils ressentent avec les prestataires de soins. S’il s’agit d’un saignement, il doit être pris en charge de façon prioritaire. S’il s’agit d’une douleur consécutive à un problème articulatoire, il faut référer le patient à un prestataire de soins adéquat, car «le cerveau est un système plastique, c.-à-d. que le système nerveux et le cerveau peuvent s’adapter. De ce fait, un coaching et une revalidation peuvent en partie inverser l’évolution négative, due à une stimulation constante de la douleur. De nouvelles connexions sont établies si bien que les patients peuvent à nouveau mener leur existence avec moins de douleurs. Leur vie est moins déterminée par la douleur et ils peuvent être bien plus actifs qu’avant. Ce sont des perspectives prometteuses. Nous n’en sommes pas encore au point où nous pourrons libérer chaque patient de sa douleur. C’est un processus chronophage. La science n’a pas de réponse toute faite et il faut rechercher pour chaque patient la piste qui l’aidera le mieux.»
Article rédigé par le Dr Michelle Cooreman, en collaboration avec le Pr Nathalie Roussel, sciences de la revalidation, Universiteit Antwerpen.
Voyager en étant hémophile, c'est possible! Et Bruno en est la preuve. Son métier l'emmène régulièrement aux 4 coins du monde où il plonge dans les mers chaudes pour étudier les poissons!
Que vous soyez depuis peu arrivé sur le marché du travail ou pas, la recherche d’un emploi est toujours en défi en soi! Il est donc légitime de se questionner sur l’éventuel impact de l’hémophilie sur cette étape importante de votre vie.
Grâce à un traitement bien adapté et bien suivi, son impact peut être fortement limité. Bien entendu, d’autres questions essentielles subsistent...
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L'hémophilie est due à l'absence ou à l'insuffisance de production d'un facteur de coagulation: le Facteur VIII (hémophilie A) ou le Facteur IX (hémophilie B). Le traitement par injection de ce facteur de coagulation nécessite de l’autonomie, puisque les patients ont la possibilité d’effectuer leurs piqûres intraveineuses seuls chez eux. «Même si certains patients, confrontés à la lourdeur et aux contraintes des injections intraveineuses, sont demandeurs d’un traitement par voie orale ou sous-cutanée, le traitement intraveineux reste de mise dans l’attente de développements», explique le Pr Cédric Hermans, chef de service d’Hématologie aux Cliniques universitaires Saint-Luc.
Lorsqu’il s’agit de discuter du rythme ou de la fréquence du traitement, les recommandations du spécialiste sont également à prendre au pied de la lettre. Le traitement intraveineux doit être individualisé et il faut tenir compte de l’état articulaire du patient, de ses saignements, ainsi que des paramètres pharmacocinétiques propres au patient (effets et l’élimination des médicaments une fois absorbés).
On constate aujourd’hui une belle avancée, grâce au développement des facteurs VIII et IX à demi-vie prolongée qui permettent de réduire la fréquence des injections. Désormais, le rythme des injections peut être réduit chez de nombreux patients, par exemple on peut avoir un schéma à une injection deux fois par semaine pour une hémophilie de type A et tous les 15 jours pour une hémophilie de type B. Cela représente une nette différence par rapport aux anciens facteurs VIII et IX à action plus courte. De plus, ces facteurs à demi-vie prolongée permettent une protection contre les saignements (par ex. articulaires) plus forte et plus longue pour les patients à risque. «Il est toujours nécessaire de s’assurer que le patient comprenne bien les modalités de son traitement, et que ce dernier soit adapté en fonction des caractéristiques de chacun.» Malgré les progrès de la recherche, le dialogue entre le patient et son spécialiste est toujours primordial afin d’identifier le traitement le plus approprié qui permettra à chaque patient de ne plus avoir d’épisodes de saignement.
À chaque mode de vie son traitement
Sportif et/ou voyageur? Dans les deux cas, il est conseillé au patient de veiller à avoir son médicament toujours sur lui et de prendre connaissance du centre hospitalier le plus proche si jamais un souci survient. «Une fois qu’ils sont seuls, c’est aux patients de rester alertes! C’est pourquoi nous tentons de bien les sensibiliser en amont», commente le Pr Hermans.
Patient-médecin: une relation étroite
Les spécialistes de l’hémophilie entretiennent des relations de longue durée avec leurs patients. «Nous prêtons attention à leurs aspirations, à ce qu’ils attendent de nous. Nous regardons s’il est possible de faire des compromis et tentons de nous adapter.» Les patients sont véritablement acteurs de leur traitement, et les médecins identifient toujours avec eux celui qui leur convient le mieux. «En tant que professionnels, nous souhaitons avant toute chose que le traitement soit efficace. Nous voulons nous assurer que leur maladie est bien contrôlée. Le but, c’est qu’il n’y ait plus aucun saignement!», conclut le Pr Hermans.
Article rédigé par Yassine Mazouni, journaliste santé, en collaboration avec le Pr Cédric Hermans, chef de Service d’Hématologie aux Cliniques universitaires Saint-Luc.
Si l’hémophilie est une maladie sanguine, ses conséquences sont surtout potentiellement néfastes pour certaines articulations des patients. En cause: la survenue répétée de saignements articulaires, principalement au niveau des chevilles, des genoux et des coudes. La plupart du temps, il s’agit de saignements spontanés, dont la cause n’est pas clairement identifiée. Il peut suffire d’un choc mineur ou d’un faux mouvement pour que l’articulation se mette à saigner de manière prolongée.
Ces saignements répétés au niveau des articulations peuvent endommager durablement le cartilage, entraînant douleurs et déformations articulaires parfois irréversibles. On parle alors d’arthropathie hémophilique. Ce type d’atteinte peut apparaître dès l’enfance et progresser à bas bruit tout au long de la vie du patient. D’où l’intérêt des traitements dits «prophylactiques», qui permettent de diminuer drastiquement la fréquence de ces saignements et de prévenir les complications articulaires.
La prophylaxie en pratique
Chez les patients atteints d’une forme modérée à sévère d’hémophilie, le traitement prophylactique consiste en l’auto-injection systématique et régulière du facteur de coagulation déficient par voie intraveineuse. La fréquence d’administration du traitement varie d’un patient à l’autre, en fonction notamment du type d’hémophilie et du risque de saignement, mais aussi de la durée de vie du produit injecté.
On parle de prophylaxie primaire quand le traitement débute dès la petite enfance ou immédiatement après un premier épisode hémorragique, et de prophylaxie secondaire quand les injections sont proposées après quelques épisodes hémorragiques. La prophylaxie primaire est l’approche privilégiée ces dernières années. Il a en effet été prouvé qu’un traitement précoce constituait l’option la plus efficace pour prévenir les complications articulaires de l’hémophilie.1 On estime que ce type de thérapie permet de réduire les saignements de plus de 90%. À l’heure actuelle, ces traitements ne permettent cependant pas de guérir la maladie. Les injections doivent dont être administrées à vie.
Prophylaxie: progrès et perspectives
Alors qu’il y a encore quelques années, les déformations articulaires étaient fréquentes chez les patients hémophiles, on observe aujourd’hui une diminution considérable de ces complications grâce aux traitements prophylactiques. Les produits administrés sont de plus en plus performants et leur durée d’action prolongée permet de réduire le nombre d’injections nécessaire.
Dans les années à venir, d’autres avancées thérapeutiques sont à prévoir. Certains traitements seront par exemple injectés non plus par voie intraveineuse, mais bien en sous-cutané.
La thérapie «génique» laisse également présager des résultats prometteurs. Le principe? Doter les patients d’une correction de l’erreur génétique pour leur permettre de produire les facteurs de coagulation déficients. Une thérapie novatrice qui vise donc la guérison de la maladie! Cette piste thérapeutique fait actuellement l’objet d’essais cliniques en Belgique.
1. Marilyn J. Manco-Johnson, Thomas C. Abshire, Amy D. Shapiro, et al, Prophylaxis versus Episodic Treatment to Prevent Joint Disease in Boys with Severe Hemophilia,The New England Journal of Medicine, Massachusetts Medical Society, 9 août 2007.
Article rédigé par Aude Dion, journaliste santé, en collaboration avec le Dr Sébastien Lobet, Docteur en kinésithérapie, Centre d’hémophilie, Service d’Hématologie Cliniques universitaires Saint-Luc.
Np-8362-augustus 2019
En cas d’hémophilie, le processus de coagulation destiné à stopper un saignement est mis à mal. La transformation du sang en gel semi-solide (caillot) est lente et fragile. Le système est donc peu efficace lorsqu’il s’agit de «colmater une brèche» dans la paroi d’un vaisseau sanguin. En cause? Un déficit en facteurs de coagulation VIII (FVIII) en cas d’hémophilie A et en facteurs IX (FIX) en cas d’hémophilie B. Ces derniers jouent un rôle capital, car sans leur intervention le caillot ne peut se former correctement.
L’hémophilie A et l’hémophilie B provoquent les mêmes symptômes. Il existe une rumeur selon laquelle les saignements seraient un peu moins fréquents en cas d’hémophilie B, mais jusqu’à présent ce constat n’a pas été confirmé par la littérature scientifique. Dès lors, s’il n'existe aucun antécédent familial (la maladie est due à une mutation génétique spontanée dans environ 30% des cas), seul le dosage du taux des facteurs VIII et IX dans le sang permet d’orienter le diagnostic.
L’une des complications principale de l’hémophilie sévère et de certaines hémophilies modérées est liée aux saignements qui surviennent de façon spontanée dans les articulations. Ces dernières se retrouvent alors progressivement altérées jusqu’à entraîner une difficulté de mouvement.
Dès lors, afin d’éviter les saignements et de permettre aux patients de mener une vie aussi normale que possible, l’hémophilie est prise en charge dès le plus jeune âge, grâce à un traitement dit «prophylactique». Ainsi, les hémophiles s’auto-injectent par voie intraveineuse, des doses régulières de concentré du facteur de coagulation déficient chez eux, c’est-à-dire le FIX en cas d’hémophilie B. En moyenne, la fréquence des injections en cas d’hémophile B est de 2x/semaine (ce qui est moins fréquent qu’en cas d’hémophiles A).
Le schéma de prophylaxie, c’est-à-dire la fréquence des injections de facteurs de coagulation ainsi que leur dosage, est précisément adapté à chaque patient et doit être réévalué régulièrement. C’est pourquoi la Fédération Mondiale de l’Hémophilie recommande aux personnes hémophiles de prendre rendez-vous annuellement dans leur Centre de référence de l’hémophilie. L’objectif est d’y réaliser un bilan complet auprès d’une équipe multidisciplinaire composée, au besoin, d’hématologues, d’hémato-pédiatres, d’internistes, de biologistes, d’infirmiers, de kinésithérapeutes, de psychologues ou encore de travailleurs sociaux. Afin d’encourager cette démarche, ce rendez-vous est devenu obligatoire pour obtenir une autorisation de remboursement du traitement.
Pour les patients, le traitement prophylactique est contraignant, en raison de son mode d’administration et de sa fréquence. Heureusement, celui-ci ne cesse d’évoluer positivement. Des modèles mathématiques ont été mis au point pour évaluer la durée de vie dans le sang du facteur injecté, permettant d’adapter le traitement spécifiquement pour chaque patient. Plus récemment, de nouveaux concentrés de facteur IX modifié ont fait leur apparition. Leur avantage? Une durée d’action 5 à 6 fois plus longue. Les patients ont ainsi la possibilité d’effectuer leur injection une fois par semaine voire une fois tous les 15 jours «seulement».
A l’heure actuelle, la thérapie génique semble également prometteuse en rendant possible la réintroduction dans l’organisme du gène du facteur de coagulation IX. Une technique permettant à l’organisme de refabriquer lui-même du FIX de manière durable. Les études n’en sont encore qu’à leurs prémisses mais augurent de belles avancées encore!
Article rédigé par Alicia Alongi, journaliste médicale, en collaboration avec le Dr. Pierre Péters, Unité de Thrombose-Hémostase, Service d'Hématologie Biologique et Immuno-Hématologie, CHU de Liège.
NP-10314-march 2020
L’Association de l’Hémophilie privilégie la qualité des contacts personnels grâce au concours de personnes vivant la même situation. Ses bénévoles sont en effet confrontés, d’une manière ou d’une autre, à l’hémophilie ou à un trouble de la coagulation dans leur vie.
Grâce à ses bénévoles, l’Association de l’Hémophilie met en place un panel d’activités impressionnant! Éducation à la maison, symposiums scientifiques, stages pour jeunes et adultes, etc., jusqu’à une assistance administrative en matière d’assurances hospitalisation par exemple.
Association de l’Hémophilie: www.ahvh.be
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