Près de 30% des patientes, chez lesquelles nous diagnostiquons un cancer du sein, ont plus de 70 ans. Pourtant, le dépistage du cancer du sein en Belgique n’est pratiqué que de 50 à 69 ans et il n’y a plus de dépistage systématique après 70 ans. Cette politique se justifie du point de vue de la population générale, car l’utilité du dépistage diminue avec l’âge étant donné que les seniors décèdent plus souvent d’une autre maladie. De plus, il ne faut pas non plus exagérer la valeur du dépistage du cancer du sein. Il mène dans le public cible des 50 à 69 ans à une légère diminution de la mortalité due au cancer du sein (20%), mais on assiste aussi à nombre de sur-diagnostics et de sur-traitements de tumeurs qui n’auraient jamais occasionné le moindre problème. Nous ne recommandons dès lors pas un dépistage de la population générale pour le cancer du sein au-delà de 70 ans. Mais il faut savoir que certaines femmes ont un risque accru de cancer du sein. On pourrait alors envisager pour ces patientes un dépistage en concertation avec le médecin, en tenant compte de leur état de santé, de leur espérance de vie et de leur souhait.
Chez toutes les patientes nous examinons la taille et l’agressivité de la tumeur, mais chez les personnes âgées il faut tenir compte de deux aspects supplémentaires. D’une part, vous devez avoir une vue de l’état de santé général par le biais d’une évaluation gériatrique. Cela permet de mieux évaluer si la patiente va vivre encore suffisamment longtemps pour présenter une éventuelle rechute et si elle peut supporter un traitement comprenant par exemple une chimiothérapie. D’autre part, il y a le souhait de la patiente: estime-t-elle que cela vaut la peine de subir une chimiothérapie et avoir ainsi 10 à 15% de chances de survie en plus? Pour certaines c’est le cas, pour d’autres pas. C’est en fin de compte la patiente qui décide. On ne détermine pas le traitement uniquement en fonction de l’âge de la patiente.
Dans le cadre de cette évaluation, nous examinons l’organe touché par le cancer et la patiente dans son intégralité. Nous procédons à l’aide de questions: comment se débrouille-t-elle à la maison, est-elle tombée récemment, a-t-elle des problèmes de mémoire ou de dépression, y a-t-il un problème de dénutrition, prend-elle des médicaments inutiles ou existe-t-il des maladies sous-jacentes qui influencent le pronostic et le traitement? Les réponses à toutes ces questions peuvent mener à une meilleure détermination des traitements à envisager ou non.
Absolument. Les seniors souffrent encore souvent d’autres maladies en dehors du cancer. Cette évaluation gériatrique nous permet de déterminer l’état de santé de la personne, la pertinence d’une opération ou d’une radiographie et si la patiente pourra supporter une chimiothérapie ou une thérapie ciblée. Elle nous aide à réduire le risque de sur- ou de sous-traitement et à éviter autant que possible une inutile mortalité due au cancer et d’inutiles effets secondaires de la thérapie. Nous disposons ainsi d’une meilleure vue sur l’espérance de vie de cette personne. Si une patiente a une tumeur au sein agressive, mais a un état de santé globalement précaire, l’espérance de vie moyenne est courte, et une chimiothérapie préventive va faire plus de mal que de bien. Mais, si une personne de 70 ans en pleine forme a une tumeur agressive, la chimiothérapie en vaut véritablement la peine.
Les patientes âgées sont moins fréquemment opérées, on leur administre moins de radiothérapie ou de chimiothérapie. Les reconstructions sont aussi moins fréquentes parce que les personnes âgées estiment généralement que c’est moins important, mais aussi parce que ces interventions peuvent être relativement lourdes.
Nous établissons un trajet de traitement spécifique sur base des résultats de l’évaluation gériatrique de la patiente. La chimiothérapie classique n’est pas aussi évidente chez les personnes âgées, mais il existe aussi des schémas adaptés qui réduisent considérablement le risque de rechute.
Article rédigé par Sandra Gasten, journaliste médicale. Publié le 1er mars 2017
«Plusieurs études indiquent que la pratique d'une activité physique pendant et après le traitement conduirait à une diminution du risque de mortalité de 34% chez les patientes atteintes d'un cancer du sein. Les risques de récidive chuteraient quant à eux de 24%. En outre, l'activité physique a un impact positif sur la fatigue et la dépression. Énormément de patientes supportent mal l'état de fatigue causé par leur maladie. Alors que le repos a pendant longtemps été considéré comme le meilleur remède, plusieurs études démontrent aujourd'hui le contraire. À travers la pratique régulière d'exercices physiques, les patientes se rétablissent plus rapidement et sont mieux armées pour sortir de leur spirale négative et retrouver du tonus.»
«Tous nos moniteurs sont des coachs professionnels, qui connaissent très bien la maladie. Ils ont été spécialement formés pour garantir le meilleur accompagnement possible aux femmes touchés par un cancer du sein. Le programme Raviva n'est ni trop difficile ni trop simple, mais véritablement adapté au profil de chacune. Il leur permet de retrouver confiance et les encourage à tenir bon, à ne pas relâcher leurs efforts. Les participantes apprécient en outre également la possibilité de rencontrer d'autres personnes ayant vécu un parcours identique. Elles y partagent leurs expériences et se soutiennent mutuellement. Certaines apprennent beaucoup des participantes qui ont déjà accompli un bon bout de chemin dans leur processus de guérison.»
«Au plus tôt, au mieux! De nombreux hôpitaux proposent déjà un programme de revalidation de 12 semaines. Nous espérons que ce dernier sera déployé le plus rapidement possible sur l'ensemble du réseau hospitalier. Raviva constitue le lien idéal entre ce type de programme et une activité sportive classique. Après une année de sport accompagné, la patiente peut ensuite plus facilement réintégrer une activité sportive conventionnelle.»
«Les patientes n'ont qu'à se munir d'une attestation médicale et s'inscrire sur notre site Web! Le moniteur élabore alors un programme d'entraînement adapté à leur condition physique et à leurs objectifs personnels. La plupart des activités se font en groupe, mais chaque participante se voit aussi personnellement encouragée à dépasser ses limites personnelles.»
«Il n'existe pas de sport idéal. Raviva propose un grand choix d'activités: de la marche nordique à l'aquagym en passant par la gymnastique et le yoga. Très récemment, nous avons également mis sur pied une formule à la carte, qui permet de bénéficier d'un accompagnement individuel en salle de fitness. En définitive, le sport choisi n'a pas beaucoup d'importance. L'essentiel est de pratiquer une activité physique et d’y prendre du plaisir!»
Article publié le 10 avril 2015.
Raviva est un programme d'activités physiques offert gratuitement aux patients atteints d'un cancer. Plus d'infos: www.cancer.be/raviva
Quand j'étais à l'hôpital en cours de traitement, j'ai reçu la visite d'une dame de Vivre comme Avant, une association de bénévoles qui soutient les femmes atteintes d'un cancer du sein. Cette visite m'a fait du bien. J'ai immédiatement voulu rejoindre l'association.
Aujourd'hui, le fait d'avoir vécu la même chose que ces femmes à qui nous rendons visite est un plus. Si vous n'avez pas ce point commun, vous pouvez avoir de la compassion mais vous ne pouvez pas partager. Là, il y a une osmose.
La différence entre ces femmes et moi, c'est que moi j'en ai fini avec les traitements. Je suis là pour leur montrer qu'on peut sortir d'un cancer du sein et reprendre une vie normale. Ça les aide à se projeter dans l'avenir. Le message? On peut vivre comme avant!
Ce message est important pour qu'elles continuent de se battre. Si vous prenez le cancer à bras-le-corps et que vous le portez bien devant vous au lieu de le traîner comme un boulet, alors l'épreuve pèse moins lourd. Je ne sais pas si ça peut faciliter la guérison mais en tout cas ça facilite la maladie, le traitement... Ça facilite la vie!
Article réalisé en collaboration avec le Dr Véronique D'Hondt (Institut Bordet).
Pour moi, le plus dur à gérer depuis la fin des traitements, c'est la crainte de la récidive. Les médecins m'ont diagnostiqué une anomalie au niveau du gène BRCA1. Ce facteur génétique est un poids supplémentaire car il augmente très fortement les risques de rechute. Régulièrement, je dois donc réaliser des bilans et à chaque fois cette crainte ressurgit.
J'ai pris contact avec la Fondation Contre le Cancer. Là, on m'a redirigée vers un psychologue chez qui j'ai suivi trois séances afin d'apprendre à vivre avec cette peur. Au fil des séances, j'ai réalisé que j'avais beau repousser ma crainte sans cesse, elle revenait de toute façon à chaque fois. Lorsque j'ai compris qu'il valait mieux l'apprivoiser plutôt que la renier, j'ai fondu en larmes. Je me suis ensuite sentie plus légère.
Apprendre à gérer la crainte de la récidive est très important car elle peut nous empoisonner la vie. Il faut donc l'accepter parce que, quoi qu'on fasse, elle est là en permanence.
Article réalisé en collaboration avec le Dr Véronique D'Hondt (Institut Bordet).
Quels sont les traitements qui peuvent provoquer une prise de poids chez les patientes atteintes de cancer du sein?
Marika Csergo (MC): La chimiothérapie contre le cancer du sein peut être associée à des corticoïdes. Ces médicaments dérivés de la cortisone, entre autres effets secondaires, peuvent faire prendre du poids.
Par ailleurs, dans le cas d’un cancer du sein hormonodépendant, l’hormonothérapie est fondamentale pour contrôler le risque de récidive. Ce traitement peut aussi entraîner une prise de poids.
Les traitements sont-ils les seuls responsables de la prise de poids en cas de cancer du sein?
Viviane Martin (VM): Non. Avoir un cancer du sein est une expérience difficile, angoissante. Certaines patientes peuvent avoir envie de manger des aliments gras et/ou sucrés non parce qu’elles ont faim, mais pour le réconfort. Comme elles se retrouvent en congé-maladie du jour au lendemain, d’autres grignotent pour tromper l’ennui. Sans oublier la fatigue qui diminue souvent le niveau d’activité physique et pousse de nombreuses patientes à moins cuisiner et à multiplier les plats préparés. Tout cela fait grossir.
Faut-il modifier ses habitudes alimentaires lorsque l’on est ou a été atteinte d’un cancer du sein?
MC: Pour celles qui avaient de bonnes habitudes alimentaires, une bonne hygiène de vie et un IMC inférieur à 25 kg/m2 (1) avant leur cancer, nous les incitons à persévérer dans cette attitude afin d’éviter toute prise de poids. Pour les femmes qui présentent déjà un excès de poids avant leur cancer ou qui suivent inutilement des régimes sans gluten, sans lactose…, nous essayons alors de corriger leurs erreurs alimentaires et de les (r)amener vers une alimentation plus équilibrée.
Pourquoi et comment éviter d’être en surpoids en cas de cancer?
MC: Plusieurs études ont démontré que le fait d’être obèse, c’est-à-dire de présenter un IMC supérieur à 30, augmente non seulement le risque de survenue de nombreux cancers (dont le cancer du sein), mais accroît le risque de récidive (2).
VM: Idéalement, toute personne en surpoids atteinte de cancer devrait être suivie par un diététicien spécialisé dès le début de la prise en charge. Évidemment, le suivi est très individualisé, car il dépend des habitudes alimentaires de départ, du nombre de kilos superflus, de l’impact des traitements sur le poids, etc. Avec les patientes atteintes de cancer du sein, j’évite les régimes et travaille davantage sur les comportements alimentaires et la façon d’éviter les compulsions. Ceci dit, limiter les aliments gras et/ou sucrés et augmenter l’activité physique sont deux mesures indispensables pour qui veut contrôler son poids… avec ou sans cancer!
Peut-on ou doit-on prendre des compléments alimentaires (vitamines, minéraux, etc.)?
MC: Non. Une alimentation variée et équilibrée fournit tous les micronutriments nécessaires à l’organisme. À moins que la patiente n’ait une carence confirmée par une analyse de sang, et que son médecin ne les lui prescrive, il est même déconseillé de prendre des compléments alimentaires.
Interview réalisée par Candice Leblanc, journaliste santé. Publié le 18 mars 2015.
(1) L’indice de masse corporelle (IMC) s’obtient en divisant le poids en kilos par la taille en mètre au carré. Entre 20 et 25, le poids est considéré comme normal, c’est-à-dire ne présentant pas de risque pour la santé. (2) B. Pakiz et al., «Effects of a Weight Loss Intervention on Body Mass, Fitness and Inflammatory Biomarkers in Overweight or Obese Breast Cancer Survivors» in Int.J. Behav. Med. (2011) 18:333–341.
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Sabine Ortmans, coordinatrice du projet Raviva
Marika Csergo et Viviane Martin, diététiciennes à l’Institut Jules Bordet.
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