Dans le cancer du sein, les cellules cancéreuses peuvent se propager dans le corps via le sang ou la lymphe, un liquide qui circule à travers les vaisseaux lymphatiques et joue un rôle important dans le système immunitaire. Les ganglions lymphatiques filtrent la lymphe et peuvent donc être envahis par des cellules cancéreuses issues d’un cancer. C’est pourquoi les patientes atteintes d’un cancer du sein se voient parfois proposer un curage axillaire, lorsque les ganglions situés sous l’aisselle – les plus proches du sein – sont touchés. L’intervention consiste alors à enlever chirurgicalement ces ganglions, afin d’éliminer d’éventuelles métastases ganglionnaires, et d’empêcher que le cancer ne se propage.
Cette intervention peut toutefois avoir des effets secondaires à plus long terme et être à l’origine d’un syndrome du «gros bras» (lymphœdème): la lymphe ne circule plus convenablement; le bras gonfle et peut devenir douloureux. Des chercheurs ont donc cherché à savoir si l’utilisation de la radiothérapie pour traiter les ganglions lymphatiques atteints ne pourrait pas être aussi efficace, tout en permettant de limiter de telles complications.
Selon leur étude, la radiothérapie et la chirurgie offriraient des résultats équivalents en termes de survie, avec toutefois un léger avantage pour la radiothérapie: elle ne provoquait des lymphœdèmes dans les 5 ans qui suivaient que dans 11% des cas, contre 23% pour la chirurgie(1).
Mais le débat n’est pas tranché pour autant! «Cette question est toujours sujette à controverse», explique le Dr Pino Cusumano, chirurgien oncologique et spécialiste du cancer du sein au CHU de Liège. «Il est difficile de recruter un grand nombre de patientes pour effectuer des études sur le sujet. De petites variations peuvent dès lors très vite faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre, et donner des résultats contradictoires.»
D’autres travaux scientifiques permettent d’ailleurs de mettre ces résultats en perspective! Selon une étude(2), en cas d’atteintes des ganglions ou lorsque le risque de récidive du cancer est très élevé, une radiothérapie ciblée sur les ganglions en plus de la radiothérapie du sein diminue le nombre de récidives, mais paradoxalement n’aurait aucun impact sur le taux de survie des patients. Des résultats qui soulignent, comme le concluent les chercheurs, l’importance de choisir le traitement après une discussion approfondie entre médecin et patient sur les éventuels risques et bénéfices de la radiothérapie. Afin de faire le meilleur choix en connaissance de cause.
Merci au Pr Éric Lifrange, chef de service, et au Dr Pino Cusumano, Unité de sénologie du CHU Liège, chirurgien oncologique et spécialiste du cancer du sein au CHU de Liège. Article publié le 29/09/2015.
Notes: (1) Donker M et al. Radiotherapy or surgery of the axilla after a positive sentinel node in breast cancer (EORTC 10981-22023 AMAROS): A randomised, multicentre, open-label, phase 3 noninferiority trial. Lancet Oncol 2014 Oct 16. (2) Timothy J. Whelan, Ivo A. Olivotto, Wendy R. Parulekar, Ida Ackerman, Boon H. Chua, Abdenour Nabid, Katherine A. Vallis, Julia R. White, Pierre Rousseau, Andre Fortin, Lori J. Pierce, Lee Manchul, Susan Chafe, Maureen C. Nolan, Peter Craighead, Julie Bowen, David R. McCready, Kathleen I. Pritchard, Karen Gelmon, Yvonne Murray, Judy‑Anne W. Chapman, Bingshu E. Chen, and Mark N. Levine. Regional Nodal Irradiation in Early-Stage Breast Cancer. The New England Journal of Medicine. July 23, 2015. 373; 4 P.M. Poortmans, S. Collette, C. Kirkove, E. Van Limbergen, V. Budach, H. Struikmans, L. Collette, A. Fourquet, P. Maingon, M. Valli, K. De Winter, S. Marnitz, I. Barillot, L. Scandolaro, E. Vonk, C. Rodenhuis, H. Marsiglia, N. Weidner, G. van Tienhoven, C. Glanzmann, A. Kuten, R. Arriagada, H. Bartelink, and W. Van den Bogaert. Internal Mammary and Medial Supraclavicular Irradiation in Breast Cancer. The New England Journal of Medicine. July 23, 2015. 373; 4.
Selon une récente étude, de plus en plus de patientes atteintes d’un cancer du sein préfèreraient la mastectomie, c’est-à-dire l’ablation complète du sein, à la chirurgie conservatrice, qui ne consiste à n’enlever que la tumeur en préservant un maximum de tissus sains.
Les chercheurs ont examiné les choix de plus de 1,2 million de femmes dont le cancer du sein était précoce et qui auraient pu bénéficier d’une chirurgie conservatrice. Les résultats sont les suivants:
Pourquoi cette hausse des mastectomies?
«Ces résultats sont paradoxaux», explique le Dr Pino Cusumano, chirurgien oncologique et spécialiste du cancer du sein au CHU de Liège. «Nous découvrons les tumeurs de plus en plus tôt. Logiquement, les traitements conservateurs devraient être de plus en plus fréquents!»
Selon les auteurs de l’étude, cette augmentation des mastectomies serait en partie attribuable à l’augmentation des mastectomies bilatérales. Celles-ci permettraient d’éviter de recourir à la radiothérapie – puisque celle-ci n’est pas nécessaire en cas d’ablation complète du sein –, tout en garantissant une meilleure symétrie des deux seins grâce à l’amélioration des techniques chirurgicales de reconstruction mammaire.
Traitements du cancer du sein: manque d’informations
Mais le Dr Cusumano avance d’autres raisons pour expliquer cette augmentation: «Les patientes manquent parfois d’informations! Il est primordial que les médecins prennent le temps de leur expliquer les pour et les contre de chaque option thérapeutique. Si cela était fait, je ne suis pas sûr qu’il y aurait autant de mastectomies. Peu de personnes savent par exemple qu’une double mastectomie ne prémunit pas du cancer du sein!» Enlever un sein complètement est en effet extrêmement compliqué: les racines des glandes mammaires qui se trouvent sous la peau subsistent toujours. Or, il suffit d’une cellule défaillante pour qu’un cancer se forme!
L’«effet Angelina Jolie»
Autre élément: l’«effet Angelina Jolie». La célèbre actrice américaine a en effet choisi de subir préventivement une double mastectomie. Elle était porteuse d’une mutation du gène BRAC1, qui la prédisposait à développer un jour, avec une très haute probabilité, un cancer du sein. «Il faut rappeler qu’il s’agit là d’un cas particulier qui ne concerne qu’une minorité de patientes prédisposées génétiquement!», insiste le Dr Cusumano. «La médiatisation de ce cas a également concouru à entretenir une certaine confusion…»
La mastectomie, pas plus efficace?
La double mastectomie est-elle un choix justifié en l’absence d’une prédisposition génétique? «Non, chez les femmes qui ne sont pas génétiquement prédisposées, développer un cancer dans un sein n’augmente pas le risque d’en développer un dans l’autre sein», répond le Dr Cusumano. «De plus, si la tumeur fait moins de 5 cm, la chirurgie conservatrice offre les mêmes résultats en termes de survie qu’une mastectomie, à la différence que cette dernière option est beaucoup plus mutilante physiquement, mais aussi psychologiquement!» À chacune donc de faire son choix... en pleine connaissance de cause.
Merci au Pr Éric Lifrange, chef de service, et au Dr Pino Cusumano, Unité de sénologie du CHU Liège, chirurgien oncologique et spécialiste du cancer du sein au CHU de Liège. Article publié le 14/09/2015.
Sources: Kummerow KL et al. Nationwide trends in mastectomy for early-stage breast cancer. JAMA Surgery. 2014 Nov. 19. Kurian AW, Lichtensztajn DY, Keegan TH, Nelson DO, Clarke CA, Gomez SL. Use of and mortality after bilateral mastectomy compared with other surgical treatments for breast cancer in California, 1998-2011. JAMA. 2014 Sep. 3; 312 (9): 902-14.
Les résultats d’une nouvelle étude scientifique constituent une avancée dans l’élaboration d’un traitement adapté au stade précoce du cancer du sein HER 2 positif.
Actuellement il n’existe pas de traitement standardisé pour ce type de cancer du sein lorsqu’il est détecté au stade précoce, c’est-à-dire lorsque la tumeur mesure moins de 2cm et que le cancer ne s’est pas propagé aux ganglions de l’aisselle (ganglions lymphatiques).
Quand le cancer du sein HER 2 positif est plus avancé, le traitement inclut généralement une chimiothérapie associée à un traitement ciblé (trastuzumab). Cette combinaison permet de lutter efficacement contre le cancer HER 2 positif, de réduire le risque de récidives et d’augmenter la survie.
Mais lorsque le cancer du sein est détecté tôt, le recours à la chimiothérapie n’est pas systématique. Car une chimiothérapie «classique» engendre souvent des effets indésirables importants: infections, troubles digestifs, fatigue, perte de cheveux. La chimiothérapie peut aussi induire certains risques à plus long terme.
Ainsi les antharcylines et le traitement ciblé trastuzumab peuvent entraîner un risque de toxicité cardiaque qui doit être suivi de près. Une atteinte des nerfs (neuropathie) induite par les taxanes peut également se manifester dans les pieds et les mains avec apparition de douleurs et de troubles de la sensibilité.
Dès lors, si le risque de récidive du cancer du sein est jugé faible en fonction de différents critères (taille de la tumeur, envahissement ganglionnaire, degré d'agressivité et de prolifération de la tumeur, présence ou non de récepteurs hormonaux, âge de la patiente), une chimiothérapie n’est pas toujours prescrite.
Mais le risque de rechute existe toujours, même en cas de cancer du sein précoce. C'est pourquoi des chercheurs américains ont voulu analyser l'efficacité d'une chimiothérapie sans anthracyclines (un des composés de la chimiothérapie) associée au trastuzumab.
Ils ont suivi l’évolution de l’état de santé de 400 femmes ayant développé un cancer HER 2 positif sans propagation aux ganglions lymphatiques. Ces patientes ont reçu un traitement associant le trastuzumab avec une chimiothérapie limitée à un seul agent, le paclitaxel (taxane). La chimiothérapie était donc moins forte que la formule classique qui associe habituellement plusieurs principes actifs: anthracycline et taxane ou taxane et carboplatine.
Ce traitement allégé s’accompagnait d’un risque moindre de toxicité cardiaque et de neuropathie (atteinte des nerfs). Après 3 ans de suivi, les résultats sont très encourageants. Le nombre de récidives est inférieur à 2%, un taux très bas. D’autres études montrent qu’il est de 5 à 30% pour les patientes n’ayant pas reçu de trastuzumab ni de chimiothérapie. Aucun décès lié au cancer du sein n’a par ailleurs été déploré. Si ces résultats se confirment dans la durée, cette nouvelle option thérapeutique pourrait améliorer la tolérance au traitement et la qualité de vie des patientes.
Article publié le 10/11/2015.
Sources: Tonaley SM, Adjuvant Paclitaxel and Trastuzumab for Node-Negative, Her-2 Positive Breast Cancer, New England Journal of Medicine (2015) http://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa1406281
Les résultats d’une nouvelle étude scientifique constituent une avancée dans l’élaboration d’un traitement adapté au stade précoce du cancer du sein HER 2 positif.
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Pr Hannelore Denys, chef de clinique d’oncologie UZ Gent
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