Les études sur les liens entre alimentation et cancer de la prostate sont légion. Parmi les dernières en date: celles qui incriminent tantôt la viande rouge, tantôt les aliments frits, dans le développement de ce cancer. En cause: les agents potentiellement cancérigènes libérés lors d’une cuisson à très haute température.
Que penser de ces articles? Ils sont en fait la version la plus récente de la longue cohorte d’études sur les liens entre alimentation et cancer de la prostate. Le débat est ancien et la question est complexe. À tel point que les scientifiques n’ont pas encore été en mesure de se mettre vraiment d’accord sur le sujet.
À l’origine de l’intérêt pour la relation alimentation et cancer de la prostate, il y a cette différence de fréquence de la maladie d’une région du monde à l’autre. On dénombre par exemple beaucoup moins de cancers de la prostate en Asie qu’en Europe ou aux États-Unis.
Mais il a aussi été démontré que lorsque les Asiatiques émigraient aux États-Unis, leur descendants de troisième génération souffraient tout autant de cancer de la prostate.
Le mode de vie – et plus particulièrement l’alimentation – ont donc très vite été pointés du doigt.
Cette hypothèse allait connaître de nombreuses déclinaisons: de l’effet prétendument protecteur du soja à celui des tomates en passant par les dangers du whiskey, boisson soumise à des températures très élevées lors de sa distillation.
«Il faut être prudent avec ce type d’études», met en garde le Pr Jean-Marie de Meyer, Chef de service d’Urologie au CHU Brugmann. «Beaucoup d’hypothèses ont été émises mais nous ne savons rien avec certitude. Ces conclusions sont davantage basées sur la logique que sur des évidences scientifiques.»
La relation entre obésité et cancer de la prostate semble en revanche beaucoup plus étayée. Les altérations hormonales induites par une surcharge pondérale trop importante pourraient avoir des effets cancérigènes. En outre, le risque de métastases et de mort serait plus élevé chez les patients obèses.
Autre hypothèse avérée: le lien entre le manque de vitamine D et le développement du cancer de la prostate. Or la carence en vitamine D est fréquente en Belgique.
Pas question, dès lors, de négliger le contenu de son assiette. Les recommandations? Une alimentation variée, qui fait la part belle aux fruits et légumes et dans laquelle la viande rouge, les graisses (surtout d’origine animale) et autres aliments frits ne sont pas consommés trop fréquemment.
Sources:
- «Consumption of deep-fried foods and risk of prostate cancer», Marni Stott-Miller, Marian L. Neuhouser, Janet L. Stanford; The Prostate, Janvier 2013.
- «Red meat and poultry, cooking practices, genetic suceptibility and risk of prostate cancer: results from a multiethnic case-contro study», Joshi AD, Corral R, Catsburg C, Lewinger JP, Koo J, John EM, Ingles SA, Stern MC, Carcinogenesis, Novembre 2012.
- «Obesity is Associated With Increased Risks of Prostate Cancer Metastasis And Death After Initial Cancer Diagnosis in Middle-Aged Men», Brown M, Medical News Today, Mai 2007.
Merci au Pr Jean-Marie de Meyer, Chef de service d’Urologie au CHU Brugmann.
Le cancer de la prostate est le cancer le plus fréquent chez l’homme, il touche actuellement 1 homme sur 10 en Belgique. Grâce à l’expertise des équipes multidisciplinaires et à l’efficacité de techniques innovantes, l’Institut Jules Bordet, Centre du Cancer de l’Hôpital Universitaire de Bruxelles (H.U.B), propose une prise en charge ultra-personnalisée aux patients et se positionne comme pionnier, à l’échelle nationale et internationale, dans la prise en charge et l’avancement de la recherche sur le dépistage, le diagnostic et le traitement du cancer de la prostate.
En savoir plus: https://hopital-universitaire-de-bruxelles.prezly.com/des-avancees-majeures-dans-la-prise-en-charge-du-cancer-de-la-prostate-a-lhub
Le Prostaatwijzer existe depuis fin 2007 en anglais, en néerlandais et en polonais. Il sera très prochainement traduit en espagnol et en allemand. Cet indicateur de cancer de la prostate a été conçu par la Stichting Wetenschappelijk Onderzoek Prostaatkanker (SWOP), une initiative du service d’urologie de l’Erasmus Medisch Centrum Rotterdam. Il a été conçu sur base d’une étude évaluant l’utilité d’un dépistage global du taux de PSA sur plusieurs dizaines de milliers d’hommes européens.
En réalité, il n’y a pas un mais huit Prostaatwijzer différents. Les deux premiers sont destinés au grand public et n’exigent pas de connaissances médicales. Le Prostaatwijzer 1 donne une évaluation générale du risque de cancer de la prostate sur base de plusieurs critères:
Pour ce dernier point, vous devrez par exemple préciser si vous avez parfois l’impression que votre vessie n’est pas totalement vide après avoir uriné.
Le Prostaatwijzer 2 est réservé aux hommes qui ont déjà effectué un dosage du taux de PSA. Les autres indicateurs sont spécifiquement destinés à l’urologue, qui peut les utiliser au cours des différentes étapes du processus de diagnostic.
Cet outil permet de diminuer l’incertitude des patients quant à leur risque d’être atteint d’un cancer de la prostate. Un avertissement indique néanmoins que le système ne peut pas se prononcer à 100% sur la présence ou non d’un cancer de la prostate. Les utilisateurs doivent considérer les résultats comme un avis, et certainement pas comme un diagnostic définitif, qui ne peut être posé que par un médecin.
Après plusieurs semaines de traitement, les agonistes de la LHRH répriment la production de la LHRH (Luteinizing Hormone-Releasing Hormone). Cette hormone stimule la production de testostérone dans les testicules par l’intermédiaire de la LH (également une hormone). Comme la production de la LHRH est freinée, il y a moins de testostérone qui passe dans le sang, ce qui ralentit le développement du cancer de la prostate.
Les agonistes de la LHRH sont injectés tous les trois à six mois. Si leur action de réduction de la production de testostérone est identique à celle obtenue par l’ablation des testicules, leur effet a l’avantage d’être réversible.
Au début du traitement, les agonistes de la LHRH augmentent temporairement le taux de testostérone. Une "poussée" (problème de "flare-up") du cancer de la prostate peut donc apparaître. C’est la raison pour laquelle la première injection d’agonistes de la LHRH est généralement associée à un anti-androgène. Les anti-androgènes sont des molécules qui bloquent le récepteur de la testostérone dans la cellule prostatique. Ils peuvent ainsi contrecarrer l’effet d’une hausse temporaire du taux de testostérone.
Comme ils freinent la production de testostérone, les agonistes de la LHRH peuvent provoquer des effets secondaires. Certains s’apparentent aux symptômes typiques de la ménopause chez les femmes: bouffées de chaleur, prise de poids, perte de masse musculaire, ostéoporose, troubles de l'humeur… Une diminution de la pilosité et des troubles de l’érection peuvent aussi apparaître.
Les hormones masculines ou androgènes sont indispensables au développement de la prostate. Mais ces hormones stimulent également la croissance des cellules cancéreuses prostatiques. L’hormonothérapie a donc pour but d'empêcher cette stimulation.
Elle peut agir de deux façons. Soit elle entrave la production de testostérone par les testicules soit elle bloque l’action de la testostérone sur la prostate. Les premiers traitements sont appelés agonistes de la LHRH, les seconds sont les anti-androgènes.
On recourt aux anti-androgènes pour bloquer non pas la production mais l'action de la testostérone sur la prostate. Ces molécules neutralisent en effet directement le récepteur de la testostérone sur la cellule prostatique. Elles agissent donc sans faire baisser le taux de testostérone dans le sang, contrairement aux agonistes de la LHRH.
Les anti-androgènes sont généralement prescrits en association avec des agonistes de la LHRH. Leur premier rôle est d’éviter l’effet «flare-up» (élévation brutale de la testostérone) au début du traitement par agoniste de la LHRH. En début de traitement, les agonistes de la LHRH font, en effet, augmenter temporairement le taux de testostérone. Au risque d'obtenir, sur la prostate, l'inverse de l'effet espéré.
Les anti-androgènes peuvent aussi être utilisés en monothérapie, par exemple dans les formes avancées locales de cancer de la prostate, sans métastases osseuses.
Dans les deux cas, les anti-androgènes n’ont généralement qu’un effet temporaire. Le récepteur de la testostérone mute après un certain temps. Il va alors considérer l’anti-androgène comme une sorte de testostérone. Si bien que la tumeur pourra à nouveau se développer.
Les anti-androgènes provoquent des effets secondaires différents de ceux des agonistes de la LHRH (gonflement douloureux des seins (gynécomastie) et troubles de la fonction hépatique). Toutefois, comme les anti-androgènes ne diminuent pas la quantité de testostérone, les patients qui sont uniquement traités avec ces médicaments sont moins sujets aux bouffées de chaleur, à une prise de poids, à une fonte musculaire et à l’ostéoporose. Ils sont aussi moins souvent confrontés à des baisses de libido et à des troubles de l’érection.
Article rédigé en collaboration avec le Dr Kathy Vander Eeckt (service Urologie UZ Leuven)
En Belgique, avec 9.500 nouveaux cas par an, le cancer de la prostate est le cancer le plus fréquent chez les hommes. D’ailleurs, «passé 80 ans, la grande majorité des hommes ont des cellules cancéreuses dans la prostate, mais on ne peut pas vraiment parler de cancer», explique le Pr Bertrand Tombal, chef du service d’urologie des Cliniques universitaires Saint-Luc. «Seuls 20 à 30% des cancers de la prostate sont agressifs et nécessitent de commencer rapidement les traitements. Les autres sont d’évolution lente et ne doivent pas forcément être traités.»
En effet, la majorité des patients atteints d’un cancer de la prostate mourront avec lui, mais pas à cause de lui. Une étude américaine (1) a ainsi montré que, après 15 ans, les hommes ayant un score de Gleason de 6 (c'est-à-dire un cancer de sévérité «intermédiaire») ont un risque de 18 à 30% de décéder des suites de leur cancer de la prostate, alors que leur risque de mourir d’autre chose varie entre 25 et 59%.
De plus, on sait que les traitements du cancer de la prostate provoquent des troubles de l’érection et/ou des problèmes d’incontinence chez près d’un quart des patients. N’y a-t-il donc pas plus de risques et d’inconvénients que de bénéfices à mettre en place ces traitements? «Le jeu en vaut la chandelle s’il s’agit de sauver une vie», estime le Pr Tombal. «Mais si le cancer est indolent, n’évolue pas et ne provoque aucun symptôme, pourquoi prendre le risque d’altérer la qualité de vie du patient? De nombreux hommes peuvent vivre très bien pendant des années avec un cancer de la prostate!»
La surveillance active du cancer de la prostate est proposée à deux types de patients:
Concrètement, la surveillance active du cancer de la prostate a pour objectif de vérifier que la maladie n’évolue pas et ne s’étend pas. Cela passe par des conseils pour améliorer l’hygiène de vie et un suivi médical régulier. Concrètement, le patient sous surveillance active se rend tous les 3-4 mois chez son médecin traitant, notamment pour faire une prise de sang visant à contrôler le taux de PSA. Il voit également son urologue au moins une fois par an et fait des examens d’imagerie médicale (IRM, échographie) afin de contrôler l’évolution du cancer.
Évidemment, au moindre signe d’aggravation, les médecins réévaluent la situation et envisagent de traiter le cancer de la prostate. Mais dans la majorité des cas, ce ne sera pas nécessaire.
(1) Albertsen PC, «20-year outcomes following conservative management of clinically localized prostate cancer». JAMA. Mai 2005.
Merci au Pr Bertrand Tombal, chef du service d'urologie des Cliniques universitaires Saint-Luc.
Article publié le 18/03/14.
Chaque année, la Belgique compte près de 10.000 nouveaux cas de cancer de la prostate (adénocarcinome de la prostate). Heureusement, cette maladie ne met généralement pas la vie de la personne en danger. Seul un faible pourcentage de tumeurs présente une évolution rapide ou migre vers les os et les ganglions lymphatiques (métastases). C’est surtout chez les hommes de moins de 60 ans que le cancer de la prostate peut se montrer agressif. Toutefois, chez la plupart de ces patients, aucune métastase n’est observée au moment du diagnostic. Ces patients n’ont donc généralement pas besoin d’un traitement d’urgence. Selon le stade et le degré d’agressivité, il est même souvent possible d’adopter une attitude attentiste.
Comme pour tout cancer, plus le dépistage est précoce, plus les chances de guérison sont grandes. Cependant, les patients atteints d’un cancer de la prostate au stade précoce ne présentent généralement aucun symptôme. Effectuer des visites régulières de contrôle chez un généraliste ou un urologue au delà de 50 ans est donc utile. Un diagnostic précoce donne 95% de chance de survivre au moins cinq ans au cancer de la prostate. En revanche, en cas de cancer de la prostate métastatique, les chances de survie à cinq ans sont inférieures à 5%.
Article réalisé avec la collaboration du Pr Hendrik Van Poppel et du Dr Joyce Pennings (service d’urologie UZ Leuven)
Nous savons tous que «nous devons faire attention à notre cholestérol». Car un excès de cholestérol, et plus précisément de «mauvais» cholestérol ou cholestérol LDL, obstrue les artères. Et augmente dès lors le risque de maladies cardiovasculaires, comme l’accident vasculaire cérébral ou l’infarctus cardiaque (myocardique).
Les scientifiques pensent que les hommes auraient encore une raison supplémentaire de surveiller leur alimentation. En effet, un excès de cholestérol sanguin augmenterait le risque de cancer de la prostate.
Les chercheurs de la Radboud Universiteit de Nimègue ont analysé les données de 2.118 hommes qui n’étaient pas sous médicaments hypocholestérolémiants. Ils ont constaté que tant un taux élevé de cholestérol total que de cholestérol LDL («mauvais» cholestérol) étaient associés à un risque augmenté de cancer de la prostate. Concrètement, pour chaque augmentation d’1 mmol/l des valeurs de cholestérol total ou LDL, le risque de cancer de la prostate augmenterait de respectivement 39% et 42%. Ce qui ne signifie pas que ces hommes ont un risque de 39% de développer un cancer de la prostate, mais bien que leur risque passe à un moment donné de 10 à 13,9%. Le lien était encore plus marqué entre cholestérol LDL et cancer agressif de la prostate (cancer de la prostate de stade 3 ou plus, valeurs PSA supérieures à 20 ou score de Gleason de 7 ou plus).
Les scientifiques prennent toutefois ces chiffres avec des pincettes. Premièrement, parce que l’étude néerlandaise s’est penchée sur un petit échantillon: seuls 43 des 2.118 hommes étudiés souffraient d’ un cancer de la prostate. De plus, des études comparables menées ailleurs dans le monde n’ont pas toujours abouti aux mêmes résultats. Certaines confirment le lien entre cholestérol et cancer de la prostate, d’autres pas. De nouvelles études sont donc nécessaires.
Reste la question de savoir pourquoi la relation entre cholestérol et cancer de la prostate est aussi intéressante? Si le lien est bien connu, il serait dès lors peut-être possible à terme d’éviter un certain nombre de cas de cancer de la prostate par la prise de statines (hypocholestérolémiants). Elles pourraient aussi éviter l’évolution d’un cancer non agressif de la prostate en cancer agressif. Mais, répétons-le, on ne dispose pas encore de données probantes.
Source: D E G Kok, J G H van Roermund, K K H Aben, M den Heijer, D W Swinkels, E Kampman and L A L M Kiemeney. Blood lipid levels and prostate cancer risk; a cohort study. Prostate Cancer and Prostatic Diseases (2011) 14, 340–345.
Une équipe de chercheurs italiens s'est intéressée au potentiel du légendaire flair des chiens(1). Leur hypothèse: moyennant un dressage spécifique, ces animaux seraient capables de détecter dans les urines des composés volatils spécifiques au cancer de la prostate.
Deux chiens spécialement dressés ont reniflé les urines de 677 hommes. Parmi eux, 320 étaient atteints d'un cancer de la prostate. Les chiens sont parvenus à distinguer les sujets sains des malades avec une précision de 98%. Mais pourquoi vouloir intégrer des chiens à l'arsenal des techniques de dépistage du cancer de la prostate?
«À l'heure actuelle, la base du dépistage du cancer de la prostate réside dans une prise de sang visant à évaluer le taux d'une protéine appelée PSA (prostate-specific antigen)», rappelle le Pr Bertrand Tombal, chef du service d'urologie des Cliniques universitaires Saint-Luc. Un taux de PSA élevé indique une anomalie de la prostate, qui peut être due à un cancer mais aussi à une infection ou à une tumeur bénigne. «En fait, seule une minorité d'hommes avec un taux de PSA élevé sont atteints d'un cancer», observe le Pr Tombal.
Depuis une dizaine d'années, des marqueurs plus spécifiques au cancer de la prostate sont donc investigués afin d'affiner le dépistage et d'éviter les biopsies inutiles.
Parmi ces stratégies alternatives, les techniques d'imagerie comme l'IRM (imagerie par résonance magnétique) permettent de détecter des lésions suspectes dans la prostate, aident à déterminer si une biopsie est indiquée et, le cas échéant, où elle doit être réalisée. «C'est l'approche la plus moderne et la plus efficace à l'heure actuelle», commente le Pr Tombal.
Des tests sanguins et urinaires plus spécifiques ont aussi été développés. Ils sont basés sur l'hypothèse que les hommes atteints d'un cancer de la prostate produisent des protéines caractéristiques dans leur sang ou leurs urines.
«L'étude réalisée par l'équipe de chercheurs italiens se base sur un postulat de ce type», explique le Pr Tombal. «Les protéines retrouvées dans les urines des sujets malades possèderaient une signature odorante spécifique, détectable par des capteurs très sensibles... ou par des chiens!»
Mais de la théorie à une application dans la pratique quotidienne, il reste une série d'étapes à franchir. «Des études à plus grande échelle, sur un très grand nombre de patients, sont nécessaires. Ces tests doivent aussi être comparés aux techniques de dépistage actuelles. Pour l'instant, les chercheurs en sont encore à un stade très préliminaire. Néanmoins cette étude tient la route et ses résultats ne sont pas dénués d'intérêt. Il s'agit d'une approche potentiellement prometteuse pour le dépistage précoce du cancer de la prostate. Et pouvoir recourir à une technique de ce type, peu onéreuse, pourrait présenter un avantage sur le plan financier», estime le Pr Tombal.
Merci au Pr Bertrand Tombal, chef du service d'urologie des Cliniques universitaires Saint-Luc
(1) Dogs detect prostate cancer in men at a remarkably high rate of accuracy, American Urology Association, May 2014
La thermo-ablation désigne le traitement du cancer de la prostate par des «ultrasons focalisés de haute intensité» (HIFU). Le principe: concentrer ces ondes sonores sur une petite partie de la prostate afin de détruire les cellules cancéreuses par la chaleur.
En pratique, ces ultrasons sont délivrés par une sonde introduite dans le rectum. L’intervention dure de 1 à 2 heures. Généralement, une seule séance suffit. L’opération est planifiée au préalable et c’est une machine qui exécute la séquence des actes programmés. L’ensemble du traitement se déroule sous repérage échographique continu pour garder la prostate, et en particulier la zone à traiter, bien en vue.
En permettant de cibler les «tirs» d’ultrasons, la technique présente deux avantages majeurs:
- Une limitation de l’impact sur les organes avoisinants (l’appareil sphinctérien ou les orifices des uretères et la vessie, par exemple).
- La possibilité d’un traitement partiel de la prostate. En d’autres termes, on n’est pas obligé de retirer toute la prostate comme dans une intervention chirurgicale classique.
En outre, les biopsies multiples et le recours à l’IRM (imagerie par résonance magnétique) permettent de plus en plus d’identifier avec précision les zones pathologiques de la prostate.
La thermo-ablation constitue dans ce cas en quelque sorte un compromis entre un traitement global (qui s’adresse aveuglément à toute la glande) et la surveillance active (où l’on ne fait rien si ce n’est suivre l’évolution du cancer et apprécier à quel moment il faut intervenir).
Le traitement par ultrasons s’adresse notamment aux personnes âgées pour lesquelles la chirurgie est contre-indiquée ou qui ne souhaitent pas subir les aléas d’une prostatectomie totale.
À stade égal de lésions découvertes, dans les cancers de la prostate peu avancés où la tumeur est limitée à l’intérieur de la prostate (pas d’effraction de la capsule), la thermo-ablation peut donc constituer une alternative à la chirurgie ou à la radiothérapie.
De plus, au contraire de la radiothérapie, le traitement par ultrasons thérapeutiques peut être répété si nécessaire. Ce type de thérapie est dès lors aussi particulièrement indiqué chez les patients qui présentent une récidive après l’échec d’un traitement par radiothérapie.
En Belgique, seul un patient sur 100 est traité par cette méthode. Ce type de traitement a fait son apparition dans notre pays en 2000. Trois centres hospitaliers le proposent à leurs patients: l’Institut Jules Bordet (Bruxelles), l’Hôpital Middelheim (Anvers) et l’UZ Leuven.
«À l’Institut Bordet, les patients traités par ultrasons représentent environ 15% du nombre total de personnes que nous traitons par an pour cancer localisé. Les autres patients sont majoritairement traités par chirurgie, radiothérapie ou une combinaison séquentielle des deux», précise le Pr Roland van Velthoven, chef de service d’urologie à l’Institut Bordet.
Si la thermo-ablation remporte l’adhésion du Pr van Velthoven, il ne la considère pas comme la panacée. «C’est une technique qui va prendre de l’ampleur dans les années qui viennent. Elle s’inscrit dans la tendance actuelle, qui favorise le développement de traitements de plus en plus ciblés. Elle a donc sa place parmi les autres options thérapeutiques. Mais n’oublions pas qu’il s’agit de haute technologie. Et que les appareillages constituent un investissement important. Il ne faut pas imaginer que l’on doive systématiquement laisser de côté les autres traitements du cancer de la prostate pour celui-ci! Ce qui compte, c’est de bien identifier la situation de chaque patient et d’effectuer le choix thérapeutique le plus approprié à sa maladie et à sa situation», conclut-il.
Qui n’a jamais entendu vanter les éventuelles vertus de tel ou tel aliment «anticancer»? Ces dernières années, les conseils de prévention – justifiés ou pas – se sont multipliés. Le cancer de la prostate n’échappe pas à la règle! Bien sûr, il s’agit d’une maladie qui peut être d’évolution lente –lorsqu’il s’agit du moins d’une forme peu agressive – et de plutôt «bon pronostic», lorsqu’elle est dépistée à temps. Mais le traitement chirurgical (prostatectomie) peut parfois être grevé d’effets secondaires importants: incontinence, troubles de l’érection... Pour éviter ces différents désagréments, la prévention s’avère donc être une piste plus que séduisante!
Parmi les voies explorées en matière de prévention: l’alimentation. L’influence de ce que nous mangeons sur la survenue du cancer de la prostate est en effet connue de longue date. «La prévalence de ce type de cancer est jusqu’à 8 fois plus importante en Europe occidentale et aux Etats-Unis par rapport à l’Asie», explique le Pr Francis Lorge, urologue au CHU Mont-Godinne. «Et nous savons que cela est notamment due à des différences dans nos assiettes. Notre régime alimentaire occidentale est par exemple plus riche en graisses et en protéines animales.» Différentes études ont donc tenté de déterminer l’influence de certains compléments alimentaires ou de certains aliments plus précisément. Parmi elles, certaines laissaient présager un effet potentiellement protecteur du sélénium et de la vitamine E.
Une récente étude (1) vient toutefois contredire ces premières impressions. La prise quotidienne, en complément à un régime alimentaire normale, de sélénium et de vitamine E ou de sélénium seulement ne semble en effet pas modifier significativement la probabilité de développer un cancer de la prostate. Par contre, la prise quotidienne de vitamine E – à raison de 400 UI (environ 270 mg) par jour – n’offrirait aucune protection. Au contraire, elle augmenterait même de 17% les risques de développer un cancer de la prostate! La prudence est donc de mise.
«Il reste toutefois possible d’adapter ses habitudes alimentaires afin de limiter le risque de cancer de la prostate», note le Pr Lorge. «Il peut par exemple être utile d’augmenter les apports en protéines du soja, l’isoflavone, ou d’éviter les graisses animales ou encore la viande rouge.» Certains aliments sont également recommandés: les choux en tous genres (brocoli, chou vert, de Bruxelles, etc.), la tomate – en particulier cuite –, les épinards, certains poissons gras (saumons, harengs, macros, etc.), le thé vert ou encore le vin rouge en quantité modéré. «Adopter un tel régime n’empêchera pas à coup sûr la survenue d’un cancer de la prostate mais peut diminuer les risques», conclut le Pr Lorge. Vos papilles n’ont plus qu’à bien se tenir!
(1) Eric A. Klein et al. Vitamin E and the Risk of Prostate Cancer. The Selenium and Vitamin E Cancer Prevention Trial (SELECT). The Journal of the American Medical Association (JAMA). Oct. 2011, vol. 306, n°14, pp. 1549-1556.
Merci au Pr Francis Lorge, urologue au CHU Mont-Godinne pour sa collaboration à cet article.
L’hormonothérapie est aujourd’hui fréquemment prescrite en cas de cancer de la prostate, dans certains cas à vie. En Belgique, 22.000 personnes bénéficient de ce traitement. Son but? Faire régresser la tumeur ou du moins ralentir sa croissance, et de ce fait allonger l'espérance de vie des patients. Mais elle induit toutefois d'importants effets secondaires.
Bouffées de chaleur, diminution de la libido… L'hormonothérapie provoque dans un premier temps des symptômes qui n'ont que peu d'impact sur l'état de santé général. Mais à plus long terme, elle induit également des modifications plus importantes, comme une prise de poids, ou une fonte musculaire. Ce qui accroit le risque d'infarctus, d'accidents vasculaires cérébraux, de diabète… L'hormonothérapie au long cours peut également être à l'origine d'ostéoporose, de troubles cognitifs (mémoire et attention), ou encore de troubles de l'humeur, pouvant aller jusqu'à la dépression.
Ces effets secondaires peuvent être un poids supplémentaire pour les personnes qui souffrent d'un cancer de la prostate. Une solution pour les atténuer serait de proposer une hormonothérapie on/off. Le traitement débute par une cure d'hormonothérapie d´au moins de 6 mois puis est suspendu. Lors de ces périodes sans traitement, le taux de PSA est régulièrement mesuré. Lorsque ce taux remonte – signe que le cancer gagne à nouveau du terrain –, une nouvelle cure de plusieurs mois est initiée.
La durée de ces "vacances thérapeutiques" dépend de la vitesse à laquelle le cancer de la prostate évolue et de la sensibilité de la personne au traitement. Des interruptions d’hormonothérapie de plus de 1 an sont obtenues pour plus ou moins 25% des patients à qui la méthode est proposée. Chez une minorité de patients, l'hormonothérapie peut même être espacée de 3 ou 4 ans.
Quel est l’impact réel de l’hormonothérapie intermittente sur la qualité de vie? Les résultats des études menées sur ce sujet sont mi-figue, mi-raisin. L’impact sur les effets secondaires diffère en effet d'un patient à un autre. L'hormonothérapie intermittente permet par exemple d’éliminer les bouffées de chaleur chez certaines personnes. Chez d’autres par contre – et particulièrement après 65 ans –, la disparition des effets secondaires intervient moins rapidement après la suspension du traitement. Il se peut aussi que les effets secondaires perdurent jusqu'à ce qu'un nouveau traitement soit initié. Dans ce dernier cas, l'interruption n'aura pas eu d'effet positif. Moins d’effets secondaires ou pas? Tout dépend donc du profil de la personne, de son âge et de sa sensibilité à l’hormonothérapie notamment.
Article réalisé avec la collaboration du Pr Bertrand Tombal, chef du service d’urologie des Cliniques universitaires Saint-Luc.
Le cancer de la prostate est un cancer qui évolue lentement. Seules les tumeurs agressives doivent donc être traitées. Les interventions chirurgicales (prostatectomie) et la radiothérapie sont des traitements lourds, qui peuvent provoquer des effets secondaires importants, comme l’incontinence ou l’impuissance. Dans la mesure du possible, il vaut donc mieux prévenir que traiter.
Les chercheurs se sont dès lors penchés sur les effets préventifs de l’aspirine.
Une équipe de scientifiques italiens (1) a analysé 139 études. La majorité d’entre elles concluent que l’aspirine joue un rôle primordial dans la prévention des cancers du côlon, de l’œsophage et de l’estomac. Quid du cancer de la prostate ? Ici aussi, les conclusions sont encourageantes ! La prise hebdomadaire d’aspirine diminuerait de 10% en moyenne le risque de cancer de la prostate.
Ces résultats prometteurs ont ouvert la voie à une nouvelle piste de recherche. L’hypothèse: l’aspirine aurait aussi un effet chez les personnnes dont le cancer de la prostate a déjà été diagnostiqué. Une autre étude récente (2) a suivi 5.955 hommes traités pour ce type de de cancer. Avec des résultats encourageants ! Chez ceux qui avaient subi une prostatectomie ou une radiothérapie et qui avaient reçu un anticoagulant, le risque de décéder de la maladie était de 3% . Dans l’autre groupe, ce risque s’élevait à 8%. Autre constat: le risque de métastases avait, lui aussi, baissé de façon significative.
Le mécanisme sous-jacent à l’effet préventif et inhibiteur de l’aspirine n’a pas encore été totalement élucidé Mais ces dernières années, le monde médical a attribué aux inflammations un rôle de premier plan dans le développement du cancer. Or l’aspirine freinerait l’action des prostaglandines, des enzymes à l’origine de ces inflammations.
De l’aspirine pour tous alors? «Surtout pas!», s’empresse de répondre le Dr Lumen, urologue à l’UZ Gent. «Malgré ces résultats positifs, il est encore bien trop tôt pour se prononcer sur la fréquence à laquelle l’aspirine devrait être prise pour prévenir le cancer. Idem pour la dose et la durée. »
Malgré ses propriétés intéressantes, l’aspirine n’est en effet pas sans danger. Elle peut notamment provoquer des hémorragies du tube digestif, même à faible dose. Une prise quotidienne à hebdomadaire d’aspirine doit dès lors toujours se faire en concertation avec un médecin, qui pèsera le pour et le contre de la prise d’aspirine en fonction des antécédents médicaux du patient.
Sources:
1) Bosetti, C. et al. Aspirin and cancer risk: a quantitative review to 2011. In: Annals of Oncology, 2012, Vol. 23 (6): 1403-1415.
(2) Choe, K.S. et al. Aspirin use and the risk of prostate cancer mortality in men treated with prostatectomy or radiotherapy. In: American Society of Clinical Oncology, 2012, Vol. 30 (28): 3540-4.
Article réalisé avec la collaboration du Dr Lumen, urologue à l’UZ Gent.
L’abréviation PSA signifie Prostate Specific Antigen (antigène prostatique spécifique). Le PSA est une protéine produite en grande quantité par la prostate. Elle assure la fluidité du sperme. Chez les hommes en bonne santé, seule une quantité limitée de PSA aboutit dans le sang. En cas de cancer de la prostate, les valeurs de PSA peuvent augmenter.
Une hausse du taux de PSA n’indique pas nécessairement un cancer de la prostate. D’autres causes peuvent en être à l’origine:
Une augmentation anormale des valeurs de PSA dans le sang peut être un indicateur de cancer de la prostate. Mais l’évolution au cours du temps des valeurs de PSA est beaucoup plus significative. Une hausse rapide d’un taux de PSA relativement bas indique un plus grand risque de cancer qu’un taux de PSA plus haut mais stable. Une augmentation de plus de 20% sur une année est suspecte et exige des examens complémentaires. Autre indicateur souvent utilisé par les médecin: le temps de doublement du PSA, soit le temps mis par la valeur de PSA pour doubler.
La mesure du taux de PSA n'est disponible que depuis quelque années. Remplace-t-elle le fameux toucher rectal conseillé annuellement à partir de 50 ans? Non. Ces 2 examens sont en fait complémentaires. Le toucher rectal est un examen qui consiste à palper la prostate par le rectum. Il dépend donc de l'expérience du médecin examinateur et de l'existence d'une anomalie de taille ou de consistance de la prostate qui n'est pas décelable dans tous les cancers.
A l'inverse certaines augmentations du taux de PSA ne sont pas liés à des cancers de la prostate et certains cancers de la prostate ne s'accompagnent pas d'une augmentation du taux de PSA. Et ne peuvent donc être suspectés que par toucher rectal.
C'est pourquoi ces 2 examens sont complémentaires.
Merci au Pr Hendrik Van Poppel (service Urologie UZ Leuven).
En premier lieu dans les ganglions lymphatiques du bassin et dans les os, surtout la colonne vertébrale et les os du bassin. Les métastases dans le foie et les poumons sont moins fréquentes. Le cancer de la prostate essaime surtout dans les os en raison de ce qu’on appelle la «théorie de la graine et du sol». Les tumeurs se propagent dans les organes quand elles s’y sentent les bienvenues. Il est ainsi probable que l’os envoie des signaux aux cellules du cancer de la prostate les «invitant» à s’y installer.
Un patient dont le cancer a métastasé dans les ganglions lymphatiques n’a généralement pas de plaintes, sauf en ce qui concerne les ganglions lymphatiques du bassin ou ceux situés le long des gros vaisseaux abdominaux, où le gonflement d’une jambe est une plainte fréquente. En cas de métastases osseuses, les patients se plaignent de douleurs et de troubles neurologiques moteurs ou sensitifs. Ces derniers se produisent quand les métastases atteignent la moelle épinière.
Les traitements standard sont l’hormonothérapie et la chimiothérapie. La radiothérapie peut être utilisée pour traiter des métastases douloureuses. Une première séance de rayons procure chez 70% des patients une diminution de la douleur, une deuxième permet chez 85% la disparition ou une nette diminution de la douleur.
L’hormonothérapie et la chimiothérapie au stade métastasique sont purement palliatives. Chez les patients ayant un nombre limité de métastases (maximum trois), la radiothérapie peut être utilisée pour détruire les métastases afin d’éviter une propagation ultérieure ou de retarder l’apparition de nouvelles métastases et postposer ainsi la nécessité d’une hormonothérapie. Cette irradiation de précision, aussi appelée radiothérapie stéréotaxique, délivre une dose très élevée précisément à l’endroit de la métastase.
Pour les métastases douloureuses, tous les patients peuvent tirer un bénéfice d’une radiothérapie antidouleur. De plus, cette radiothérapie peut être administrée avec d’autres thérapies. En cas d’irradiation stéréotaxique de précision, le nombre de métastases joue un rôle. Si un patient se présente avec maximum trois métastases, cela a du sens et il faut l’envisager. Chez les patients avec plus de trois métastases, il faut envisager l’hormonothérapie palliative ou la chimiothérapie.
Article écrit par Sandra Gasten en collaboration avec le Pr Gert De Meerleer, radiothérapeute-oncologue à l’UZ Leuven. Publié le 01/08/2017.
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