"Je n’arrivais plus à dormir, je vomissais fréquemment et j’étais dans un état d’épuisement total. Pourtant, je remettais toujours à plus tard la visite chez mon médecin. Je suis pharmacien et je possède ma propre officine. Ma compagne a fini par me poser un ultimatum: j'ai donc accepté qu'un médecin me fasse une prise de sang. De retour chez moi, je me suis remis au travail... jusqu'à ce qu'il m'appelle en me demandant de fermer immédiatement la pharmacie et de me rendre sur le champ à l’hôpital! D’un côté, j’étais soulagé qu’on ait trouvé quelque chose. De l’autre, mon état était critique, ma vie ne tenait plus qu’à un fil. Mes reins ne fonctionnaient plus du tout. J’ai commencé la dialyse dès le lendemain."
"Un spécialiste a alors fait le lien entre mon insuffisance rénale et la maladie de Fabry. L'altération du fonctionnement de mes reins était en réalité un des symptômes de la maladie de Fabry non traitée! Il a alors fallu jongler entre les séances de dialyse et d'enzymothérapie… Pas facile de s'organiser pour le travail. Pour pouvoir aller en dialyse, j'avais prévu une remplaçante le mardi et le jeudi. Après ces séances, j’étais épuisé. Je mangeais un peu, je dormais quelques heures, et ensuite je reprenais ma place à la pharmacie vers 15h30. Pour pouvoir me rendre à mes perfusions d'enzyme, je fermais boutique le samedi. Quand ma remplaçante est tombée malade, je n'ai eu d'autres solutions que de passer à la dialyse de nuit! Et la journée, je tenais la pharmacie… Autre répercussion de la maladie: il m'était interdit d'assurer les services de garde."
"Comme on m'a diagnostiqué la maladie de Fabry très tard et que mes reins ne fonctionnaient plus, j'ai bénéficié d'une transplantation rénale… Je savais bien que, le jour où un rein serait disponible, je devrais fermer immédiatement ma pharmacie et ne pourrais prévenir mes clients à l’avance. Cette absence, que je comparais initialement à des vacances annuelles, s'est malheureusement prolongée… J’ai eu une hémorragie et je suis resté plusieurs jours dans le coma. Heureusement, mon nouveau rein fonctionne bien. Comme je dois prendre de puissants médicaments contre le rejet, je suis devenu plus sensible aux infections. Dans ma pharmacie, je dois donc utiliser une solution alcoolisée pour me nettoyer les mains et désinfecter mon comptoir. Aujourd'hui, ma maladie de Fabry est très bien gérée, je travaille toujours à temps plein, et ne ferme qu'un lundi matin sur deux pour mon enzymothérapie. Mon travail est bien la dernière chose que je laisserais tomber, car j’ai toujours pu m’y raccrocher!"
Dans chaque centre de référence pour les maladies métaboliques, il existe une personne chargée d'accompagner les patients au cours de leurs démarches administratives. Nous ne nous occupons pas que des remboursements des traitements. Nous aidons aussi les malades à bénéficier des soutiens aménagés pour eux par l'État.
Bien sûr! Une demande écrite doit être envoyée auprès de la caisse d'allocations familiales. Celle-ci la relayera au SPF Sécurité sociale qui désignera un médecin pour évaluer la gravité de la pathologie. L'obtention et le montant de l'allocation dépendent essentiellement:
Les personnes qui ont déjà travaillé bénéficient d'indemnités d'incapacité de travail de la part de leur mutuelle. Conjointement à ces indemnités, nous effectuons aussi une demande d'allocation de remplacement de revenus. Une aide à laquelle peuvent aussi souscrire les personnes qui n'ont jamais exercé d'activité professionnelle. Pour l'obtenir, une demande doit être introduite auprès de l'administration communale ou du CPAS. La gravité de l'affection sera dès lors évaluée par un médecin dépêché par le Service Public Fédéral. L'obtention et le montant de l'allocation dépendront notamment de:
Outre le versement d'indemnités mensuelles, les patients peuvent aussi prétendre à une série d'avantages sociaux et fiscaux (réduction de taxes, charges d'électricité, transport…).
À bien suivre leur traitement de manière régulière et à consulter à temps leur spécialiste pour le renouvellement annuel ou bisannuel du remboursement. Car malheureusement, l'INAMI risque d'être très sévère avec les malades les plus distraits. Dans tous les cas, nous sommes là pour soutenir les patients et leur rappeler à quel point ces formalités, bien que contraignantes, sont indispensables pour leur bien-être.
Un rêve d’enfant
J’ai toujours eu envie de devenir actrice de cinéma. Mon entourage pensait que ce n’était qu’une lubie qui allait passer… Mais ce désir de faire carrière dans le cinéma n’a fait que croître au fil des années.
J’ai appris que j’étais atteinte de la maladie de Pompe à l’âge de 13 ans. L’annonce de ce diagnostic a quelque peu chamboulé mes projets. J’avais entendu dire que les formations pour devenir acteur demandaient une bonne condition physique parce que l’on y dispensait des cours de sport pour travailler sur l’expression scénique. Je craignais de ne pas pouvoir suivre ces cours à cause de ma maladie, qui détruit petit à petit mes muscles.
Dans mon cas, la progression de l’atteinte musculaire est freinée grâce à l’enzymothérapie. Mais si les symptômes de la maladie de Pompe ne se voient pas forcément dans la vie de tous les jours, je suis limitée dans certains mouvements et mon jeu d’actrice pourrait s’en ressentir. J’aurais par exemple du mal à me relever rapidement pour m’enfuir si un «méchant» se met à me poursuivre.
Abandonner ses projets à cause de la maladie de Pompe?
Je me suis sentie un peu dépitée à l’idée de devoir renoncer à mes rêves. Mais j’ai continué à faire du théâtre et à m’intéresser au cinéma. Ma passion ne faiblissant pas, j’ai décidé de me lancer malgré tout dans cette voie après ma rhéto. Je termine actuellement une année préparatoire aux études de réalisation. Comme il n’est pas évident de percer dans ce domaine, j’entamerai à la rentrée une formation en maquillage de cinéma pour ajouter une corde à mon arc. J’adore la science-fiction et le fantastique, notamment les films de Tim Burton. Le maquillage est donc une filière qui me correspond bien.
Après cette formation, je m’essayerai quand même à la réalisation ou au cours Florent (prestigieuse école de théâtre, NDLR). J’aimerais aussi partir à l’étranger pour multiplier les opportunités. Je me suis déjà renseignée: si je réalise un stage Erasmus ou un Master en dehors de la Belgique, je pourrai poursuivre mon traitement par substitution enzymatique. Le remboursement est assuré tant que je conserve la nationalité belge.
«Ma maladie a forgé ma personnalité»
Mon plus grand rêve serait de partir m’installer aux États-Unis! Dans mon entourage, certaines personnes ont tendance à très vite se tracasser, à considérer que je ne pourrai pas concrétiser mes projets «à cause de ma maladie». Moi, je refuse de me dire que ce n’est pas possible avant d’avoir essayé. Et je suis bien décidée à travailler dans le milieu du cinéma d’une manière ou d’une autre! Alors bien sûr, j’ai parfois tendance à voir ma maladie comme une injustice mais, en même temps, je pense que je n’aurais pas été animée par la même détermination si je n’avais pas été malade. Quelque part, ma maladie me pousse à me surpasser!
Article rédigé par Aude Dion, mis en ligne le 29 juin 2015.
Les intimes – conjoint, enfants – s’inquiètent souvent, au même titre que les patients, et ont donc tout autant besoin d’explications simples et rassurantes concernant la maladie.
Pour les personnes moins proches comme les amis, les collègues ou la famille éloignée, le but est qu’ils comprennent la maladie lysosomale pour mieux en accepter les contraintes et les limites, être plus tolérants, plus ouverts envers la personne atteinte.
Le souhait de se protéger ou de protéger l’autre peut être un obstacle à l’échange concernant la maladie, ses conséquences ou ses traitements. Or expliquer le plus simplement possible ce qui se passe favorisera la compréhension et le soutien.
Par ailleurs, il appartient au patient de parler ou non, et de choisir le moment où il souhaite le faire. Rien ne l’oblige à expliquer sa maladie à tout le monde, cela peut être fait seulement à certaines personnes avec qui un lien de confiance existe. S’assurer que la relation est bienveillante est important.
La simplicité est là aussi une bonne attitude: les informations doivent être exactes, mais aussi claires que possible, adaptées à l’âge et au niveau de développement de l’enfant. Inutile de le submerger de mots ou de notions difficiles à comprendre. Répondre à ses questions permettra d’avancer pas à pas avec lui.
Le médecin, le(a) psychologue sont aussi disponibles pour parler de la maladie lysosomale avec l’enfant et pourront répondre à ses questions ou aider le parent à aborder le sujet.
Nous conseillons souvent au patient d’être accompagné d’une personne de confiance au moment du diagnostic et lors des consultations de suivi, ce qui lui permet de ne pas se sentir seul et aide le(s) proche(s) à mieux comprendre ce qui se passe. Lors de ces consultations, patients et proches ont aussi l'opportunité de poser leurs propres questions en direct au médecin.
Par ailleurs, le conjoint et les proches peuvent rencontrer un psychologue, s’ils le souhaitent. Mais il n’y a pas de règle ni d’obligation.
Un accompagnement par une infirmière sociale peut aussi être proposé. Son rôle? Soutenir et aider le patient et sa famille dans les diverses démarches sociales et administratives en lien avec la maladie lysosomale.
Article rédigé par Marion Garteiser, publié le 04/11/2014.
Je fais partie d’une génération de patients Fabry qui ont généralement vécu sans diagnostic pendant plus de vingt ans. La maladie a alors eu le temps de faire son chemin et d’occasionner des dégâts irréversibles.
Mes symptômes ont débuté en 1971, quand j’avais 12 ans: la chaleur m’était insupportable, je souffrais de crampes abdominales et de douleurs aux extrémités des doigts et des orteils ainsi qu’aux articulations des genoux. J’ai été hospitalisé à plusieurs reprises sans que les médecins ne puissent établir un diagnostic. Ils disaient que c’était «dans ma tête». J’ai dès lors essayé de vivre avec ces douleurs sans en parler à qui que ce soit.
Une quinzaine d’années plus tard, j’ai été admis aux urgences pour d’intenses et soudains troubles de l’équilibre. Tout tournait devant mes yeux, j’étais incapable de marcher et la moitié de mon visage était paralysée. Après avoir été ausculté par de multiples spécialistes, un diagnostic est tombé: sclérose en plaques.
J’ai vécu avec ce diagnostic «par défaut» pendant plus de dix ans tandis que mes symptômes (intolérance à la chaleur, sensations de fourmillement et douleurs aux mains et aux pieds) étaient toujours bien présents. Un jour, les médicaments que l’on m’a prescrits pour calmer ces douleurs ont provoqué de fortes réactions cutanées au niveau de mon dos. Le dermatologue que j’ai consulté n’avait vu qu’un seul patient Fabry au cours de sa carrière, mais il a immédiatement reconnu dans ces lésions les angiokératomes typiques de la maladie. C’est ce qui a permis de poser le diagnostic. À l’âge de 38 ans, j’entendais le terme «maladie de Fabry» pour la première fois de ma vie.
Aujourd’hui, la maladie de Fabry est de mieux en mieux connue. Des associations de patients s’organisent et s’unissent avec d’autres groupements dédiés aux maladies rares pour aider à sensibiliser le corps médical et le grand public. Le «bon» diagnostic est généralement posé plus tôt et un traitement spécifique - l’enzymothérapie - peut être prescrit plus précocement.
Si ce traitement par enzymes de substitution ne guérit pas la maladie de Fabry, il permet d’en freiner l’évolution et améliore la qualité de vie au quotidien. Moi, par exemple, je souffre d’hypertrophie cardiaque: la paroi du ventricule gauche de mon cœur s’épaissit. Grâce au traitement, cette atteinte cardiaque s’est stabilisée. Si je n’avais pas été soigné de manière adéquate, j’aurais peut-être été victime d’une deuxième thrombose… En outre, au jour le jour, le traitement atténue mes problèmes digestifs (crampes abdominales, constipation, diarrhée…).
Bien sûr, il y a encore des points à améliorer! Un exemple? Si le traitement est entièrement pris en charge par l’INAMI, la demande de remboursement doit être renouvelée chaque année: un processus contraignant et qui va à l’encontre de toute logique!
L’enzymothérapie elle-même peut s’avérer fastidieuse pour certains patients parce que le traitement est administré par perfusion en hôpital de jour une fois toutes les deux semaines. Mais, ici encore, des pistes sont investiguées. Les firmes pharmaceutiques qui produisent ces traitements étudient par exemple l’intérêt et la faisabilité d’une formule «à domicile». Une infirmière à domicile se rendrait chez le patient pour poser la perfusion et intervenir en cas de problème. La formule constituerait un sérieux atout en termes de qualité de vie et de confort. Les patients qui travaillent ne seraient par exemple plus obligés de prendre deux jours de congé par mois pour suivre leur traitement. On le voit, les choses bougent, lentement mais sûrement, pour les patients Fabry.
Article rédigé par Aude Dion, journaliste médicale. Publié le 29 janvier 2016.
La maladie s’est déclarée l’année de mes 20 ans. J’avais remarqué que j’attrapais des bleus partout. C'était dû à une augmentation du volume de ma rate. Cela affectait son fonctionnement et provoquait des problèmes de coagulation. Le médecin a reconnu là un des principaux symptômes de la maladie de Gaucher et il m'a annoncé le diagnostic. Je ne connaissais pas du tout cette maladie et j’avoue ne pas avoir été bien informée à l’époque. J’ai donc continué à vivre sans y penser. Je me suis mariée, je suis tombée enceinte. Je n’ai même pas pensé à l’éventualité d’une transmission génétique.
Vers 30 ans, peu après la naissance de mon premier enfant, j’ai ressenti de fortes douleurs au dos. La cause? Des vertèbres tassées et de l’ostéoporose. Je faisais face à un autre symptôme de la maladie: la diminution de la densité et donc de la solidité des os. À cette époque, j’étais traitée pour les symptômes de la maladie mais je ne prenais aucun médicament pour ralentir son évolution! Et puis un jour, j’ai rencontré un autre patient atteint de la maladie de Gaucher. C’est comme ça que j’ai appris qu’il existait un traitement!
Depuis, ma vie a changé. Avant, j’étais tout le temps épuisée malgré une vie calme. Aujourd’hui, je passe encore par des périodes de grosse fatigue mais je suis tout de même capable de travailler. Je souffre encore de fortes douleurs aux bras, aux doigts et au dos, mais moins qu’avant. Je dois également faire attention à ne pas tomber car mes os sont désormais très fragiles. J’ai dû dire adieu à pas mal de choses : prendre mes enfants dans les bras, faire du sport, jardiner… Mais je sais que j’ai de la chance par rapport à d’autres patients qui souffrent beaucoup plus.
Tous les 15 jours, je me rends à l’hôpital pour recevoir mon traitement sous perfusion. Parfois je me dis que c’est lourd, mais en même temps j’ai sympathisé avec les infirmières! Et puis, ce traitement ne m'oblige pas à sacrifier mes vacances. Mon médecin peut s’arranger pour organiser une perfusion à l'étranger, dans un hôpital universitaire. Je mène donc une vie presque normale, malgré la maladie!
"Enfant, j’étais souvent malade, j’avais des maux de ventre, j’étais toujours très fatigué et je ne supportais pas le soleil. Vers mes 10 ans, nous avons déménagé et j’ai changé d’école. C’est là que j'ai réalisé que je n’arrivais plus à suivre le cours de gym comme les autres garçons de ma classe. J’avais des picotements dans les membres, des crampes dans les orteils et une impression d’oppression dans la cage thoracique. C’était déjà des symptômes de la maladie de Fabry mais à l'époque, on m’a diagnostiqué une hyperventilation. Pour me soulager, je m’asseyais au calme, soufflais dans un sac et faisais des exercices de relaxation. Je n'ai pas pu suivre mes copains à vélo jusqu’à ce que je reçoive un vélomoteur pour mes 16 ans! Quand j’ai commencé à travailler dans ma pharmacie, je ne comprenais pas comment mes collègues et amis arrivaient encore à faire du sport ou à sortir après une journée de travail. Moi, j’en étais incapable…"
"Dès que le diagnostic de la maladie de Fabry est tombé, on m’a administré tous les quinze jours une perfusion d’enzymes de substitution. Après quelques mois seulement, je sentais déjà une différence. Au début du traitement, j’avais toujours besoin de m’étirer pour me sentir bien... Plus aujourd'hui. Comme mes reins ont lâché à cause de la maladie de Fabry, j’ai dû aller en dialyse et, par la suite, j’ai subi une transplantation rénale. Près de 4 ans plus tard, mon nouveau rein fonctionne toujours parfaitement. Et je n’ai plus de protéines dans les urines, un symptôme typique de la maladie de Fabry. Aujourd’hui, je veille à bien protéger ce rein grâce à une dizaine de médicaments, notamment contre le rejet, et à l'enzymothérapie contre la maladie de Fabry. Mes problèmes cardiaques, qui avaient occasionné la formation de caillots sanguins, ont également disparu."
"Je ne suis toujours pas un grand sportif. Mon test sur le vélo chez le cardiologue n’est pas parfait. Mais, à mon rythme, je peux pédaler aussi loin que je le souhaite! Je ne me souvenais plus de ce que c’était que de se sentir bien… Je me suis toujours heurté à une résistance, j’ai toujours vécu avec une limite. Adolescent, j’avais déjà l’impression de rouler avec un frein bloqué. Jusqu’à ce que les deux freins se bloquent quand mes reins ont cessé de fonctionner! Mais aujourd’hui, grâce à l'enzymothérapie, c’est comme si j'avançais libre. Je suis capable de faire bien plus que ce que je n’ai jamais fait. Je n’ai plus de picotements. Je vis tout à fait normalement, je ne suis plus fatigué, ce qui m’amène… à travailler trop!"
Depuis quelques années, les symptômes de la maladie de Pompe ont fait leur apparition. Il s'agit principalement de faiblesses musculaires et respiratoires. Au quotidien, cela implique que chaque geste, chaque pas doit être réfléchi pour ne pas chuter. J'ai du mal à monter des marches, à me relever d'une chaise ou d'un fauteuil. Courir est totalement impossible. Dormir sur le dos m'empêche de respirer convenablement. M'habiller, me laver demande plus de logistique qu'auparavant. La faiblesse musculaire a entraîné une scoliose qui me fait souffrir. D'ailleurs avec du recul, c'est le premier symptôme qui est apparu chez moi, déjà adolescent, avant même que je sache que j'étais atteint de la maladie de Pompe.
Le combat de ma vie est de faire en sorte qu'elle soit la plus "normale" possible. Je fais tout pour ne pas rester cloitré chez moi. Lorsque je me rends quelque part, je dois souvent prendre quelques minutes pour "scanner" les lieux et repérer, par exemple, les endroit assez élevés où je pourrais m'asseoir, éviter les fauteuils trop bas, chercher un éventuel ascenseur. Depuis peu, ma maison doit être adaptée à mon handicap. J'ai du faire l'acquisition d'un lit médicalisé qui se lève électriquement, l'escalier a été aménagé avec une deuxième rampe, mon salon a été surélevé, mon bureau est équipé d'une chaise qui se soulève électriquement. A l'avenir, ma salle de bain devrait aussi faire l'objet d'adaptations. Au niveau respiratoire, j'ai un appareil de ventilation nocturne. Je n'ai jamais réussi à me résoudre à l'utiliser car je trouve ce masque tout à fait insupportable. Heureusement, depuis que je suis sous traitement, je ne ressens absolument plus le besoin d'aide respiratoire.
Une étudiante (presque) comme les autres
Le plus difficile cette année n’a pas été les études en tant que telles mais bien la vie d’étudiante dans une autre ville que celle où j’ai toujours vécu.
La vie en kot, seule, s’est avérée plus ardue que prévu: les étages pour arriver chez moi, le ménage, la cuisine, les trajets à pied pour me rendre à l’école… me demandent pas mal d’énergie.
S’installer dans une autre ville a aussi quelque peu changé la donne par rapport au traitement. Je bénéficie de l’enzymothérapie, traitement qui ralentit la progression de la maladie de Pompe. Celui-ci est administré sous forme de perfusion une fois toutes les deux semaines. Je dois alors passer une journée quasi entière à l’hôpital, le temps de préparer le produit, de recevoir la perfusion et de me reposer un petit peu avant de repartir. En changeant de ville, j’ai dû changer d’hôpital. Je dois dorénavant m’y rendre en transports en commun et marcher pendant 15 à 20 minutes une fois sur place. C’est très fatigant, d’autant plus que l’on se sent épuisé après la perfusion. Rentrer chez moi me demande beaucoup d’efforts. Heureusement, je n’ai pas cours ce jour-là!
J’ai délaissé le sport
Comme je marche beaucoup à Bruxelles, j’ai laissé de côté mes séances de kiné hebdomadaires. Mais je vais devoir m’y remettre parce que la marche ne suffit pas pour faire travailler tous les muscles.
Avant, je faisais aussi beaucoup de danse. Mais je n’ai pas continué ici. J’ai un peu peur de me retrouver dans un groupe où je ne connais personne: il y aura d’emblée des mouvements que je serai incapable d’exécuter… et je ne me vois pas signaler ma maladie d’entrée de jeu. L’idéal serait que je puisse débuter une activité avec au moins une personne que je connais, pour me sentir plus à l’aise.
Faire comprendre une maladie qui ne se voit pas
Dans ma ville d’origine, mes amis d’enfance sont tous au courant de ma maladie. Ils en ont bien assimilé les implications. La situation est différente avec les amis que je me suis faits ici. Au début, je n’avais pas vraiment envie d’en parler, je me sentais gênée. Puis j’ai fini par leur expliquer pourquoi, par exemple, je ne parviens pas à les suivre quand ils marchent très rapidement… Mais comme la maladie de Pompe ne se voit pas, les gens ont tendance à l’oublier, à ne pas bien comprendre ce qui cloche.
Au final, m’installer seule dans une autre ville pour mes études supérieures constituait un fameux défi! Mais je ne regrette rien, au contraire: je veux aller encore plus loin. J’envisage même de partir à l’étranger pour augmenter mes chances de percer un jour dans le milieu du cinéma. Relever ce type de défis est une manière de faire un pied de nez à ma maladie. C’est ma façon de lui rétorquer «je ne me laisserai pas faire, c’est moi qui décide!»
Article rédigé par Aude Dion, mis en ligne le 15/09/2015.
"On m'a diagnostiqué une maladie de Pompe il y a cinq ans, au bout de 14 ans d'examens pénibles et parfois même douloureux. Suite à des résultats étranges établis après une prise de sang, les médecins m'ont averti qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas. J'ai alors enchaîné une série de visites chez des spécialistes qui n'ont abouti à rien. Les médecins étaient incapables de mettre un nom sur mon problème! À 17 ans, j'ai surpris une conversation entre un professeur et mes parents qui disait qu'à mes 30 ans, je serais en fauteuil roulant. Un drame: j'étais encore en pleine forme à l'époque."
"Déçu par le peu de résultats obtenus, j'ai enfin rencontré un professeur qui a vraiment poussé très loin les investigations. C'est le premier qui m'a fait passer un examen génétique. L'attente des résultats de ces analyses m'a semblé interminable. Le diagnostic est alors tombé… Des années après avoir soupçonné un problème au foie, on m'a annoncé que j'étais atteint d'une forme de myopathie, une maladie lysosomale: la maladie de Pompe."
"Je ne connaissais absolument pas cette maladie. À l'annonce du diagnostic, je n'en revenais pas, j'étais submergé d'émotions. Tout s'est embrouillé dans mon esprit. J'étais sidéré qu'après tant d'années, on puisse enfin mettre un nom sur ma maladie. Mais j'étais également effrayé par les explications reçues, par ce que cela impliquerait pour moi… Le professeur m'a ensuite annoncé qu'il existait un tout nouveau traitement qui permettait de stabiliser l'évolution dégénérative de la maladie de Pompe. Ce jour-là, je suis passé du soulagement à la tristesse, de la peur à la joie. Ça a été très dur d'un point de vue émotionnel."
«En 2009, le Conseil européen a émis la recommandation que les États membres de l’Union européenne devaient élaborer et implémenter pour 2013 un plan pour les maladies rares (dont les maladies lysosomales). La ministre des Affaires sociales et de la Santé publique Laurette Onkelinx et l’INAMI (Institut National d’Assurance Maladie-Invalidité) ont chargé le Fonds Maladies Rares et Médicaments Orphelins d’élaborer des recommandations avec tous les acteurs de terrain.
«Les recommandations ont été formulées par huit groupes de travail thématiques composés de médecins, de mutuelles, de représentants de patients de RaDiOrg.be, VPP, LUSS, etc. Ils se sont réunis pendant deux ans et ont élaboré une série de mesures concrètes dans une dizaine de domaines comme l’instauration de centres d’expertise, l’inventaire des maladies rares, la responsabilisation des patients, la stimulation de la recherche, etc.»
«Le Fonds a remis ses recommandations pour le Plan à la ministre en septembre 2011. Depuis, les parties prenantes n’ont que peu entendu parler de sa concrétisation! Le seul état des lieux qu’a présenté la ministre jusqu’ici a été communiqué à l’occasion de la Journée Internationale des Maladies Rares en février dernier. À l’époque, elle a dévoilé le budget consacré à cinq mesures prioritaires, comme la création de centres d’expertise supplémentaires et un registre central des patients ayant une maladie rare, l’accès à un remboursement plus rapide de certains médicaments et le remboursement du test ADN à l’étranger.»
«Dans les recommandations, on accordait en effet une grande importance à l’«empowerment» des patients (les actions à mener pour les aider à se prendre en charge et à prendre le contrôle de leur trajet de soins). Mais cela signifie aussi que les patients doivent recevoir des informations précises et détaillées sur leur traitement et leur maladie, ainsi que sur les services disponibles. Dans ce cadre, la ministre a prévu un montant pour la traduction en néerlandais d’Orphanet, le vaste site internet d’information sur les maladies rares. Ce point est en voie d’achèvement à l’heure actuelle.»
«Comme l’Europe a recommandé aux États membres de présenter un plan pour 2013, nous partons du principe que cela sera le cas d’ici la fin de l’année. D’une part, nous sommes impatients parce que jusqu’ici nous avons été très peu tenus au courant. Tant RaDiOrg.be que les autres parties prenantes. Si nous voulons des informations, nous devons nous rendre chez la ministre. Mais nous ne pouvons bien évidemment pas enfoncer sa porte… D’autre part, nous comprenons parfaitement que c’est une décision politique qui demande du temps.»
Bien évidemment, nous voulons pouvoir donner notre avis sur le Plan et être impliqués dans son implémentation. Quant à savoir si nous serons entendus, c’est une autre affaire… Entre-temps, nous continuons à chercher à savoir où en est le Plan. Quoi qu’il en soit, nous sommes persévérants et nous ne céderons pas (rire).
Elles sont abordées une première fois lors des cours de biochimie en 2e BAC des études de médecine. Les maladies lysosomales permettent d'illustrer des parties plus théoriques du cours en contextualisant les mécanismes biochimiques qui leurs sont propres. Ceux-ci sont expliqués ainsi que les traitements qui permettent de corriger les mécanismes biochimiques défaillants. En revanche, les symptômes et le diagnostic ne sont présentés qu'en master 1.
À côté de cela, il existe un module optionnel de 30 heures de cours consacré aux maladies métaboliques avec 2 heures dédiées aux maladies lysosomales.
Je note clairement un intérêt croissant pour le module optionnel sur les maladies métaboliques. Il y a quelques années, s'y inscrivaient surtout des biochimistes alors qu'aujourd'hui, il y a de plus en plus de médecins.
Par ailleurs, lorsque ces maladies sont abordées en cours de biochimie, elles permettent de sortir de la théorie pure et dure. Ce qui est toujours apprécié des étudiants.
Oui et non. Le principe général de ces maladies est facile à expliquer. En revanche, cela se complique quand on aborde l'aspect clinique. Il existe, en effet, une grande variabilité de symptômes pour ces maladies. Raison pour laquelle il est impossible de parler de toutes les maladies lysosomales sans tomber dans un cours catalogue. Pour éviter cela, nous n'enseignons que les maladies lysosomales qu'il est possible de traiter. Mieux vaut connaître en détail celles-là plutôt que de toutes les survoler.
Non. Pour que les médecins soient suffisamment spécialisés, il faut qu'ils suivent un grand nombre de patients. Et comme les maladies lysosomales sont des maladies rares, il vaut mieux qu'il n'y ait pas trop de médecins spécialistes. La Belgique compte 6 centres de maladies métaboliques, c'est suffisant. Mais cela vaut surtout pour les pédiatres, ce n'est pas la même chose pour les médecins qui prennent en charge les adultes. Là, il y a un manque. Beaucoup de patients continuent d'ailleurs à se faire suivre par leur pédiatre alors qu'ils sont adultes.
Écrit par Élise Dubuisson.
Article publié le 25/03/14.
La trentaine, c’est plutôt jeune pour faire un accident vasculaire cérébral (AVC). De plus, il était déjà suivi par un neurologue pour d’étranges picotements dans les mains et les pieds, au contact de l’eau froide ou chaude par exemple. L’AVC et cette sensibilité à la température ont fait tilt dans mon esprit: je me suis souvenu d’une brochure d’information que j’avais lue sur la maladie de Fabry. Les symptômes du patient correspondaient à ceux décrits dans la brochure. J’ai ensuite passé en revue avec lui les autres symptômes mentionnés… et il est apparu qu’ils s’appliquaient à son cas.
Depuis la puberté, le patient présentait des petites taches rouges autour du nombril et sur le bas-ventre. Un cardiologue lui avait aussi diagnostiqué une dilatation du muscle cardiaque. Je lui ai fait subir des examens complémentaires et il est apparu que l’enzyme alpha-galactosidase ne fonctionnait pas chez lui, ce qui est typique des patients atteints de la maladie de Fabry.
Il était soulagé de connaître la cause de tous ses symptômes… et d’apprendre qu’il existait un traitement! Mais il s’est inquiété pour son fils quand il a su que la maladie de Fabry est héréditaire. Je l’ai rassuré en lui expliquant que cette maladie est liée au chromosome X. Les pères ne peuvent transmettre leur chromosome X muté qu’à leurs filles, les mères par contre à leurs filles et à leurs fils. Mon patient a donc hérité la maladie de sa mère. Mais comme celle-ci n’avait aucun symptômes, il n’avait jamais été en mesure de savoir qu’il était aussi atteint.
Le patient souffrait depuis de nombreuses années de ces taches rouges autour du nombril, appelées angiokératomes. Un dermatologue les avaient prises erronément pour des pétéchies (petites hémorragies), qui se présentent aussi sous la forme de taches rouges violacées. Si son dermatologue avait été plus attentif, il aurait déjà pu suivre un traitement, et on aurait pu freiner sa maladie. Mais il est vrai que les maladies lysosomales sont peu fréquentes et que les médecins les connaissent dès lors mal. D’un autre côté, beaucoup de personnes ont des angiokératomes sans pour autant souffrir de la maladie de Fabry. On peut dès lors se poser la question de savoir si elles doivent toutes être dépistées...
À l'époque, mon épouse et moi vivions dans une maison de type «bel étage», avec le garage au rez-de-chaussée, le salon au premier étage et les chambres au deuxième... Avec ses volées d'escaliers, ce logement était inadapté aux difficultés induites par une maladie comme celle de Pompe. Il était hors de question d'avoir un enfant dans ce genre de maison: j'aurais été incapable de m'y déplacer avec le bébé, les paquets de couches, le landau... Ce n'est qu'après avoir déménagé que nous avons sérieusement envisagé l'idée de devenir parents.
Comme la maladie de Pompe est génétique, ma plus grande crainte était de la transmettre à notre enfant. Mon épouse a passé un examen génétique (une simple prise de sang) pour savoir si elle était porteuse du gène défectueux. À notre grand soulagement, elle ne l'était pas. Désormais certains que notre enfant ne serait pas malade, nous nous sommes lancés dans l'aventure. Et, quelques mois plus tard, la petite Eva déboulait dans nos vies.
Je n'étais cependant pas au bout de mes craintes: serais-je capable de m'occuper de ce petit bout? Mes appréhensions ont été rapidement balayées. Je ne suis certes pas un papa comme les autres: je ne peux pas prendre ma fille dans mes bras quand je suis debout, je dois m'asseoir pour jouer avec elle... Mais j'ai la chance d'avoir une épouse extraordinaire qui accomplit tout ce que je ne suis pas en mesure de faire. Nous avons aussi acheté du matériel de puériculture adapté. Comme je suis encore relativement autonome, ce n'était peut-être pas réellement nécessaire. Aujourd'hui, j'essaie d'agir le plus normalement possible. Si ça ne va pas, mon épouse prend le relai, nous trouvons le moyen de nous adapter.
Eva comprend tout à fait la situation. Nous lui avons expliqué ce qui m'arrivait avec des mots simples. Elle a très bien assimilé que j'étais malade et que mon «bobo» m'empêchait de faire certaines choses. Maintenant qu'elle a grandi, elle cherche même à me prêter main forte. Un exemple? Je grimpe difficilement les escaliers; quand elle arrive en haut avant moi, elle se retourne, me tend ses petits bras et m'«aide» à venir à bout des dernières marches en m'encourageant d'un «Allez Papa!».
Cette petite fille me fait avancer! Les jours «sans», ceux où je me rends à mes séances quotidiennes de kiné avec les pieds de plomb par exemple, une petite voix me souffle «Ta fille a besoin de toi, ne baisse pas les bras!». Toutes les craintes que j'avais se sont complètement envolées. Vous n'imaginez pas à quel point je regrette de ne pas m'être lancé plus tôt!
«Je venais d'emménager avec Caroline quand mes reins ont lâché. Conséquence de longues années de non-diagnostic de la maladie de Fabry. Admis en urgence à l’hôpital, les médecins ont déclaré que je ne passerais pas la nuit. Mais je m’en suis sorti et j’ai été placé sous dialyse. Ce n’est qu’un an plus tard que le diagnostic de la maladie de Fabry est tombé. Depuis, on m’administre tous les quinze jours une perfusion d’enzymes. J’ai été transplanté environ deux ans après ma première dialyse, ce qui nous a enfin permis de partir en voyage ensemble. Si j’allais physiquement bien mieux, ce n’était pas le cas de notre relation. Caroline était à bout de forces: tout tournait autour de moi. Elle a rompu et m’a quitté. Par peur de l’avenir? Peut-être, je ne savais pas moi-même ce que l’avenir me réserverait…»
«J’ai eu beaucoup de mal à accepter cette rupture. Sans Caroline, j’étais très malheureux, cette «douleur dans ma tête» était insupportable. Je n’avais jamais ressenti cela avec la maladie de Fabry qui n'affectait «que» mon corps! Caroline m’avait dit: «Tu n’en mourras pas». Et c’est vrai: je me suis débrouillé toute une année sans elle. Au contraire même, j’en suis ressorti émotionnellement plus fort. Un an après, mon père est tombé malade. Caroline m’a accompagné chez mes parents: c’était comme si elle n’était jamais partie. Sans doute parce qu'ils s’étaient tous trois tellement serré les coudes autour de ma maladie!»
«Nous avons recommencé à nous voir régulièrement. Grâce à l’enzymothérapie, je me sens désormais bien mieux qu’avant. Résultat: nous allons nous marier! L’avenir me paraît donc rose autant sur le plan de la santé que de l'amour… Nous n’envisageons pas encore d’avoir des enfants. Même si nous en parlons. Je suis heureux que Caroline soit là car la maladie n’est pas un cadeau pour un conjoint!»
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